UNE CHIMIOTHERAPIE adjuvante systémique est indiquée depuis 1990 après chirurgie à visée curative du cancer du côlon de stade III de l'Union internationale pour la lutte contre le cancer (Uicc), c'est-à-dire des tumeurs N1, N2 ou N3, M0.
En 1990, aux Etats-Unis et en Europe, des conférences de consensus ont recommandé l'administration combinée du lévamisole et du 5-fluoro-uracile (5FU) dans les cancers coliques pendant un an, cette stratégie ayant fait la preuve de son efficacité sur la survie des patients et la diminution du risque de décès lié au cancer. Depuis 1994, cette stratégie a été peu à peu abandonnée au profit de l'association de 5-FU et d'acide folinique, appelée protocole Fufol, administré pendant six mois selon des schémas mensuels. Il a en effet été montré que ce protocole avait une efficacité comparable et une meilleure tolérance. Une grande étude anglaise, Quasar, a montré l'efficacité équivalente des faibles et des fortes doses d'acide folinique et des schémas d'administration mensuel et hebdomadaire pendant six mois. Cette étude a également confirmé que l'adjonction de lévamisole et les hautes doses d'acide folinique n'avaient pas d'intérêt dans ce cadre de cette chimiothérapie adjuvante.
T. André et le groupe d'étude et de recherche en oncologie-radiothérapie (Gercor) vient de publier en juillet 2003 une étude portant sur 900 patients qui a comparé le schéma thérapeutique associant l'acide folinique et le 5-FU selon le schéma LV5-FU2 (48 heures de traitement tous les quinze jours) au Fufol mensuel (traitement pendant cinq jours toutes les quatre semaines) pendant six ou neuf mois. Cette étude a permis de conclure à l'équivalence de ces options en termes de survie, la toxicité du LV5-FU2 pendant six mois étant deux fois plus faible.
Mosaic et Folfox 4 : l'ère des polychimiothérapies.
L'essai Mosaic a comparé l'efficacité de la chimiothérapie adjuvante par Folfox 4 (oxaliplatine à la dose de 85 mg/m2 à J1 tous les quatorze jours associée au schéma classique LV5-FU2) à celle d'un groupe témoin sous LV5-FU2. Le critère principal de cette étude était la survie sans rechute à trois ans, et les critères secondaires la survie globale et la tolérance du traitement. Au total, 2 246 patients issus de 20 pays ont été inclus. Les résultats ont été publiés en juin 2004 dans le « New England Journal of Medicine ». Les taux de survie sans rechute à trois ans ont été de 73 % dans le groupe LV5-FU2 et de 78 % dans le groupe Folfox 4.
La diminution globale du risque relatif de rechute a été de 24 % et a été retenu comme significatif ; en effet, D. J. Sargent et coll. ont montré que la survie à cinq ans pouvait être extrapolée de la survie sans récidive à trois ans, prise en considération dans les essais cliniques actuels. Cette métaanalyse (Asco 2004) a retrouvé une concordance entre la survie sans récidive à trois ans et la survie globale à cinq ans. Les protocoles de polychimiothérapie, dont l'efficacité est démontrée, induisent toutefois des effets indésirables qui doivent être connus. Le Folfox provoque 40 % de neutropénies (neutrophiles inférieurs à 1 000/mm3), contre 5 % sous LV5-FU2, mais seulement 1,8 % d'entre elles sont fébriles. La neurotoxicité de grade III de l'oxaliplatine a été notée chez 13 % des patients, mais chez seulement 1 % d'entre eux à un an.
Des questions non résolues...
L'efficacité de l'irinotécan n'est pas démontrée. En effet, un essai décevant a été présenté en 2004 au congrès de l'Asco par L. Saltz. Ce travail a comparé l'efficacité et la tolérance du protocole IFL (irinotécan, 5-FU en bolus, acide folinique) à celle du 5-FU. Les résultats ont montré que le protocole IFL n'apporte pas de bénéfice en terme de survie, mais que, au contraire, sa toxicité est sévère, 2 % des patients étant décédés par toxicité. Ce protocole n'est donc pas recommandé. D'autres essais combinent l'irinotécan au 5-FU administré de manière continue. Les résultats de ces travaux sont en attente.
Pour les cancers du côlon de stade II de l'Uicc (T3-T4, N0, M0), plusieurs métaanalyses ont été publiées. Elles ont mis en évidence un bénéfice modéré de la chimiothérapie adjuvante, sous la forme d'une réduction du risque relatif de récidive allant de 20 à 25 % en valeur relative, mais qui ne se traduit par un gain de survie à cinq ans que de 2 à 3 %. Le faible bénéfice clinique de la chimiothérapie adjuvante s'explique par le faible risque de récidive chez ces patients. Cependant, une partie de l'étude Mosaic portant sur des patients de stade II à haut risque de récidive a mis en évidence une diminution relative du risque de récidive de 28 % à trois ans. Une grande étude européenne est actuellement en cours (Petacc 4, Pan-European Trials In Adjuvant Colon Cancer 4).
D'après un entretien avec le Pr Philippe Rougier, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt.
Les thérapeutiques ciblées, avenir du traitement adjuvant ?
Au stade métastatique des cancers du côlon et du rectum, la chimiothérapie a fait la preuve de son efficacité sur la survie et le confort des patients. L'espérance de vie médiane des patients est passée de six à vingt mois en quinze ans.
Cette chimiothérapie a été récemment enrichie de traitements ciblés sur les récepteurs membranaires ou l'environnement. Les récepteurs au PdgfF, à l'IGF ou à l'EGF (de la classe des récepteurs HER) sont des cibles potentielles. Les récepteurs à l'EGF sont exprimés au niveau des tumeurs coliques chez environ 80 % des patients. Divers anticorps peuvent inhiber la partie externe de ce récepteur, comme le cétuximab, qui entraîne en monothérapie de 10 à 12 % de réponses et un arrêt de la croissance tumorale chez 30 à 40 % des patients. Chez les malades qui ont progressé sous diverses chimiothérapies, l'association cétuximab-inirotécan permet d'induire environ 22 % de réponses et 30 % de stabilités.
Dans l'essai Bond, les patients qui échappaient à tout traitement ont eu, avec l'association cétuximab-inirotécan, une augmentation très significative de la survie sans progression par rapport au traitement par cétuximab seul (4,5 mois contre 1,4 mois). Cette classe thérapeutique apparaît prometteuse.
Il en va de même des inhibiteurs de l'angiogenèse. H. Hurwitz et coll. viennent de publier un essai dans lequel ils ont comparé l'efficacité de l'association IFL-bevacizumab (un anti-Vegf, Vascular Endothelial Growth Factor) à celle de l'IFL seul. Dans cet essai qui a porté sur 813 patients ayant un cancer colo-rectal métastatique, la survie a été de seize mois sous IFL et de vingt mois sous association bevacizumab-IFL. Cet accroissement de survie de quatre mois est statistiquement et cliniquement très significatif. Ces nouveaux produits sont en cours d'évaluation en situation adjuvante.
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