Désigné par Boris Eltsine comme son successeur, soudain placé à une fonction, la présidence, à laquelle il n'était pas particulièrement préparé, d'un abord sévère et d'un nationalisme ombrageux, Vladimir Poutine apparaissait, il y a peu, comme un homme au destin incertain.
La crise économique à laquelle il faisait face, les mesures brutales qu'il a prises contre les oligarchies, mais aussi la presse, son comportement fort peu émotionnel lors du naufrage du sous-marin nucléaire « Koursk » auraient pu réduire la durée de son mandat. Il n'en est rien.
M. Poutine a d'abord eu de la chance, dans la mesure où la croissance mondiale a enchéri les exportations pétrolières de la Russie, et lui ont assuré des revenus dont elle avait un besoin vital. Sa lutte contre les ploutocrates, qui s'étaient emparés de l'économie russe pour s'enrichir de manière éhontée, a tout de même servi à faire pénétrer le droit dans les mœurs du pays ; sa bataille pour arracher aux grandes entreprises les impôts qu'elles doivent à l'Etat lui a permis de payer enfin les fonctionnaires, de financer les services publics, de rembourser une partie des dettes russes, d'élever un tant soit peu le niveau de vie.
La Russie va mieux. Elle n'est pas guérie mais elle entre déjà en convalescence. Et la cote de popularité de M. Poutine est élevée.
Il est loin du compte. Bien que son visage glacé laisse imaginer sa capacité à réprimer les désordres, il n'est pas venu à bout d'une criminalité galopante et de la mafia économique. L'espérance de vie continue à diminuer. La pauvreté est très répandue, surtout dans les campagnes. Les écarts de revenus sont scandaleux. M. Poutine a besoin de temps, et ses premiers résultats montrent qu'il faut lui en donner. Car le président russe, en dépit de sa formation (c'est un ancien du KGB), ne songe pas une seconde à revenir à l'économie d'Etat ; il s'est contenté de commencer à contrôler les dérapages du marché, toujours vulnérable à la malhonnêteté et à l'avidité pécuniaire. Jour après jour, il améliore les conditions de vie dans son pays et c'est sur au moins dix ans qu'il faudra juger son bilan.
Le Premier ministre britannique, Tony Blair, a été le premier Occidental à reconnaître en M. Poutine un allié potentiel de l'Europe et des Etats-Unis et un homme capable de remettre la Russie sur le droit chemin. George W. Bush, ensuite, a décidé d'en faire, au moins au niveau verbal, un partenaire des Etats-Unis. M. Poutine n'a pas démérité : il a approuvé l'assaut contre les talibans, il entretient avec l'OTAN un dialogue moins tendu que naguère, et il a modéré délibérément sa réaction à la décision de M. Bush de dénoncer le traité ABM de 1972 qui liait les deux pays : M. Bush veut absolument lancer son projet de défense antimissiles, n'y a pas renoncé et ne s'est pas fâché pour autant avec Moscou.
Finesse diplomatique du président américain ? Peut-être. Ce qui est sûr, c'est que M. Poutine, en faisant cette concession, malgré l'opposition de ses généraux, a donné un gage incroyable à l'Amérique et il faudra bien, désormais, qu'elle vole au secours de la Russie si M. Poutine le lui demande.
C'est l'intérêt des Européens et des Américains, qui ont beaucoup puisé dans la compréhension et l'esprit de conciliation de M. Poutine de protéger son régime, même s'il fait peser une menace sur les libertés fondamentales en Russie, même s'il guerroie en Tchétchénie où il affirme qu'il combat des « terroristes ». La présence de combattants tchétchènes semble lui donner raison. Mais ce qui compte le plus, c'est que les citoyens russes accèdent à un niveau de vie comparable à celui qu'ils avaient avant l'effondrement du bloc soviétique. Sans un peu de prospérité soutenue, le peuple russe se révoltera. Et il faut bien conjurer le sort.
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