Entretien avec le Pr Philippe Orcel, centre Viggo Petersen, hôpital Lariboisière, Paris.
C'est dans le domaine des rhumatismes inflammatoires qu'est survenue une véritable avancée thérapeutique, avec les biothérapies, en particulier les anti-TNF alpha, sous forme d'un anticorps monoclonal, avec l'infliximab (Remicade, Schering-Plough), et d'un récepteur soluble du TNF, avec l'étanercept (Enbrel, Wyeth-Lederlé), qui révolutionnent la prise en charge des formes sévères de polyarthrite rhumatoïde, permettant aux patients la reprise d'une vie normale. Après les problèmes de disponibilité concernant les anti-TNF alpha, l'étanercept est à nouveau disponible.
Les biothérapies et leur action sur les voies de signalisation de l'inflammation
Deux nouveaux médicaments sont attendus cette année, avec un autre anti-TNF, l'adalimubab (Humira, Abbott), et un anti-L1 (antagoniste du récepteur de l'interleukine 1), l'anakinra (Kineret, Amgen), qui est déjà disponible, mais dont le prix n'est pas encore connu. « Le point commun de ces biothérapies, explique le Pr Philippe Orcel, est leur action sur des cibles cellulaires, essentiellement sur des voies de signalisation de l'inflammation lors du processus d[212]inflammation rhumatismale. » L'utilisation des biothérapies s'inscrit essentiellement dans les traitements de fond de la polyarthrite rhumatoïde, mais certains rhumatologues y ont aussi recours dans les spondylarthropathies et, ponctuellement (hors AMM), dans le cadre de situations difficiles, comme certaines vascularites ou autres rhumatismes inflammatoires chroniques.
Les coxibs ont changé la vie de certains patients
Actuellement, les biothérapies représentent un progrès majeur en tant que concept thérapeutique, permettant de suspendre efficacement les symptômes. Néanmoins, remarque le Pr Orcel, « il ne s'agit que de traitements suspensifs, qui ne guérissent pas la maladie et nécessitent donc une prescription au long cours, problématique en termes de coût. En outre, ces biothérapies nécessitent une surveillance régulière, en raison de complications infectieuses (notamment vis-à-vis de la tuberculose pour les anti-TNF alpha), et la vigilance s'impose en raison d'un faible recul d'utilisation (en France, deux années). Il n'en reste pas moins que l'intérêt pour ces thérapeutiques prometteuses va grandissant et que d'autres développements de ces classes thérapeutiques sont en cours, visant toujours à manipuler les voies de signalisation intracellulaire de la réaction inflammatoire ».
C'est une nouvelle classe d'AINS qui s'impose, avec l'arrivée des coxibs, dont le grand intérêt est leur moindre toxicité digestive (confirmée par leur usage en pratique). Le développement de ces molécules a permis de changer considérablement la vie de certains patients. Comme le souligne le Pr Orcel, « les coxibs représentent un outil thérapeutique précieux, malgré la polémique soulevée l'an passé quant au risque cardiaque et coronarien de ces molécules. Contrairement à beaucoup d'AINS, les coxibs n'ont pas d'action antiagrégante plaquettaire. C'est pourquoi leur utilisation ne confère certes pas de protection contre le risque cardio-vasculaire, mais il semble un peu excessif de dire que leur utilisation augmente ce risque ».
Plusieurs pistes thérapeutiques dans l'arthrose
Dans le domaine de l'arthrose, les molécules de type chondroïtine sulfate et glucosamine soulèvent un certain intérêt, sans qu'on puisse parler de véritable révolution. Les recherches actuelles s'orientent dans plusieurs directions, avec notamment le pari thérapeutique d'évaluer une éventuelle action chondroprotectrice des bisphosphonates (dont on attend prochainement les résultats d'un protocole auquel a participé l'équipe du Pr Ph. Orcel). D'autres pistes plus nombreuses, mais encore au stade expérimental, visent la cible chondrocytaire ; il s'agit, là encore, d'essayer de manipuler les voies de signalisation chondrocytaire pour orienter la différenciation des chondrocytes et leur activité vers la production et la régénération de la matrice ou vers l'inhibition de la destruction de la matrice cartilagineuse.
Dans le cadre de la rhumatologie interventionnelle, l'acide hyaluronique injectable intra-articulaire permet d'améliorer la douleur et la qualité de vie des patients ayant une gonarthrose, seule indication actuelle de cette option thérapeutique. A noter l'apparition de nouvelles molécules de cette classe qui rend ces produits plus disponibles et plus accessibles pour les patients, avec de meilleures conditions de prise en charge et de remboursement.
Nouveautés et perspectives dans l'ostéoporose
Les patients atteints d'ostéoporose et traités par des bisphosphonates peuvent désormais bénéficier d'une nouvelle forme d'administration hebdomadaire, beaucoup plus pratique, puisque deux des bisphosphonates les plus actifs (Fosamax, MSD, et Actonel, Aventis) ont obtenu cette année l'AMM pour cette forme hebdomadaire. Selon Pr Orcel, « deux autres molécules originales devraient émerger dans un avenir proche, probablement en 2004, avec la parathormone des Laboratoires Lilly et le ranelate de strontium des Laboratoires Servier. Ces deux molécules se révèlent particulièrement intéressantes, car elles permettent d'avoir un mécanisme d'action différent sur les cellules osseuses et d'envisager la possibilité de séquences thérapeutiques utilisant différents médicaments de mécanisme d'action varié ».
THS : les bonnes et les mauvaises surprises
La principale nouveauté « négative » concerne les résultats de l'étude américaine sur le traitement hormonal substitutif, avec notamment l'augmentation faible mais significative du risque de cancer du sein, qui a entraîné l'interruption immédiate d'un bras de cette étude (l'autre bras, qui concerne des patientes hystérectomisées recevant un traitement hormonal sans progestatif, étant toujours en cours).
Le point positif de cette étude concerne ses résultats sur le risque osseux, confirmant l'efficacité antifracturaire du traitement hormonal qui, jusqu'alors, reposait sur des études épidémiologiques discutables. C'est donc la première fois que l'efficacité du THS (dans le cadre d'une évaluation en double aveugle, avec cinq ans de recul) est démontrée sur les fractures vertébrales et celles du col du fémur.
Enfin, la mauvaise surprise de cette étude concerne le risque cardio-vasculaire, coronarien et cérébral, qui n'est pas prévenu, voire légèrement augmenté. Ces résultats vont à l'encontre de toutes les données épidémiologiques précédentes, mais il est cependant nécessaire d'en tenir compte. Avec toutefois quelques précautions d'interprétation, notamment pour le risque cardio-vasculaire, compte tenu de l'âge des femmes incluses dans cette étude (en moyenne, 63 ans, donc, à distance de la ménopause) et de leurs facteurs de risque cardio-vasculaire (surpoids, HTA).
Un autre point débattu par les scientifiques français et européens concerne la différence entre le traitement hormonal « américain » (Prémarin + hydroxyprogestérone) et le traitement hormonal « européen » (17 bêta-estradiol). Néanmoins, une récente publication parue dans le « Lancet » (décembre 2002) suggère que le traitement européen ne confère pas davantage de protection contre le risque cardio-vasculaire chez des femmes à risque.
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