LA MÉTHODE classique de prise en charge des cas de malnutrition sévère est longtemps passée par l'hospitalisation des enfants : malgré son coût et les risques épidémiques et nosocomiaux qu'elle présente, c'était la seule solution pour administrer toutes les trois heures un lait thérapeutique qui devait être préparé deux heures auparavant. A partir de 2004, tout a commencé à changer, avec une pâte à base de poudre de lait, de sucre, de vitamines et d'huile d'arachide, dotée d'un pouvoir nutritif inégalé (500 calories pour 92 g) et d'une totale facilité d'administration (ni dilution ni cuisson), le plumpy'nut (« noix dodue »), créée par une PME (Nutriset) en partenariat avec les nutritionnistes de l'IRD (Institut de recherche pour le développement). «En 2004 et 2005, explique au « Quotidien » le Dr Isabelle Defourny, responsable des programmes de MSF au Niger, nous avons validé,dans la région de Maradi (Sud-Niger) , une méthode de prise en charge en ambulatoire pour les deux tiers des enfants sévèrement malnutris. Chaque semaine, les mères se rendaient à l'un des centres de santé de leur district pour recevoir les sachets hebdomadaires pendant que leurs enfants étaient examinés. Si le gain de poids mesuré était légèrement inférieur à celui obtenu par la prise en charge classique (12 g/j, contre 15 g/j en hospitalisation) , le taux de guérison a finalement atteint 85%. Avec un effectif de 43200enfants suivis par MSF France et plus de 65000 par l'ensemble des missions de l'association, ce score nous a permis de valider cette grande découverte», estime le Dr Defourny.
Mais MSF ne veut pas s'arrêter aux seuls cas des malnutris sévères. Constatant que le plus grand nombre des décès, en raison des pathologies associées, se rapportait aux malnutritions modérées, avec des chiffres impressionnants en Afrique subsaharienne (sur 1 000 enfants, 200 n'atteignent pas l'âge de 3 ans), l'association s'est lancée depuis l'an dernier dans un programme de prise en charge de l'ensemble des enfants de moins de 3 ans.
Une fois par mois.
«Nous avons mis au point un modèle à partir de la distribution, une fois par mois, d'un pot de 1,3kilo de Plumpy'nut dose, avec tous les minéraux et toutes les vitamines nécessaires à la croissance, explique le Dr Defourny. Si les résultats ne permettent pas de conclure définitivement sur le plan épidémiologique, au moins constatons-nous un effet de prévention des pics récurrents de malnutrition sévère.» Les distributions de Plumpy'nut dose agiraient somme toute comme des campagnes vaccinales.
Pour MSF, on semble bien tenir la première réponse médicale à «la première menace qui pèse aujourd'hui sur la santé publique dans le monde». «Une révolution pour soigner la malnutrition», n'hésite pas à affirmer le Dr Jean-Hervé Bradol. Le président de MSF demande aux Nations unies d'élargir en conséquence les indications des distributions d'aliments prêts à l'emploi, actuellement limitées aux cas sévères de malnutrition. Une perspective médicale qui s'appuie sur des transferts de technologies dans les pays touchés par les crises alimentaires, les mettant à l'abri des habituels effets pervers liés aux distributions massives de sacs de riz.
Distributions d'urgence
Samedi à 10 h 30, dans 19 villes de France, Action contre la faim (ACF) organise une grande distribution... d'information : pour en finir avec les idées reçues, l'association reconstituera une distribution d'urgence sur le terrain, avec des camions de 12 tonnes chargés de rations d'information. Des rations qui contiennent le minimum à connaître sur la faim pour agir : un dépliant, un badge, un périmètre brachial et une boîte de conserve. Ce sont les passants qui ne répondront pas correctement aux questions posées par les équipes d'ACF qui se verront remettre ces rations et qui recevront un coup de tampon sur leur carte, pour éviter fraude et doublonnage, ainsi qu'il est procédé dans la réalité lors des distributions alimentaires.
Avec cette opération d'envergure lancée dans le cadre de la Journée mondiale de l'alimentation (programmée comme chaque année par l'ONU le 16 octobre), l'association veut sensibiliser l'opinion aux réalités de la faim et de l'aide alimentaire, au-delà d'une histoire de sacs de riz. Comme l'observe son président d'honneur, le Dr Jean-Christophe Rufin (aujourd'hui ambassadeur au Sénégal), «dans les années 1960, la faim était synonyme de retard. Handicapées par les mauvaises conditions naturelles propres à de nombreux pays du tiers-monde (sécheresses récurrentes, inondations, difficultés de transport) , les agricultures des pays pauvres étaient censées rattraper rapidement leur retard. La faim, dans cette perspective, devait disparaître en même temps que ce retard. Or, quarante ans plus tard, les crises n'ont plus rien à voir avec les handicaps climatiques ou le simple retard de développement, c'est clairement l'activité humaine qui est responsable de la faim».
Un livre
A lire, pour comprendre le plus grand scandale de notre siècle, avec 24 000 personnes, dont 18 000 enfants, qui meurent chaque jour de la faim, « les Nouvelles Famines », de Christian Troubé (éditions Autrement, 120 p., 15 euros).
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