L'innovation n’est pas qualifiée de rupture. Elle est ici le résultat d’une somme de petits détails qui change la vie. Mise au point par le danois Henrik Khelet en 1995, la récupération rapide après chirurgie (RRAC) réduit la durée d’hospitalisation et les complications. La philosophie est résumée sur le site Internet de l’association internationale ERAS (Enhanced Recovery after Surgery) : « Le challenge pour optimiser la qualité de la prise en charge chirurgicale ne repose pas sur la découverte d’un nouveau savoir, mais plutôt sur l’intégration des connaissances déjà acquises dans la pratique. » Diffusée rapidement dans le monde anglo-saxon, cette (nouvelle) méthode s’implante avec plus de difficultés dans l’Hexagone. Elle doit lutter contre le dogmatisme ambiant et les rentes de situations.
Idées reçues
Premier principe, remettre en cause les idées reçues. À quoi sert par exemple la préparation mécanique exigée avant une chirurgie colique. À rien, répond le Pr Henrik Kehlet qui la supprime des protocoles. Faut-il exiger des patients le respect d’un jeûne complet au moins douze heures avant une intervention ? Sûrement pas. Une boisson sucrée non gazeuse comme le thé ou un jus de pomme est même recommandée jusqu’à trois heures avant l’intervention. Pour limiter le risque d’infections nosocomiales, la pose de drains ou de sondes est réduite au strict minimum.
Le patient est au centre
Second pilier, le patient est associé à la prise en charge. Il n’est plus passif mais actif grâce à une reprise de la marche très rapidement après l’intervention. Enfin, la prise en charge pluridisciplinaire ne relève pas seulement de la déclaration d’intention. Les kinésithérapeutes et les diététiciens jouent un rôle majeur en amont et au cours de l’hospitalisation.
Résultat, la sortie est autorisée dès le quatrième jour pour des interventions protocolisées comme la prothèse de genou, de hanche, colostomie partielle. Le délai a même été raccourci à un jour dans un cas exceptionnel pour une colostomie réalisée en ambulatoire le 21 février 2013. Selon la communication présentée par le Dr Benoît Ginoux (Clinique de la Sauvegarde, Lyon), la reprise alimentaire a été initiée trois heures après l’intervention, et la marche à la cinquième heure.
Un groupement de cliniques (Capio) a mobilisé ses équipes dans la diffusion de cette nouvelle technique. L’hôpital public suit le mouvement mais avec un certain retard.
Vers une diffusion de la méthode ?
Faut-il la diffuser dans tous les établissements ? Selon une étude de la littérature publiée en 2011 par la bibliothèque Cochrane, la méthode est sûre et efficace. « Toutefois, les données sont de faible qualité et ne justifient pas encore la mise en place de la RRAC en tant que méthode de soins standard. »
Elle s’est imposée très rapidement dans les pays scandinaves. Alors que se développe la chirurgie ambulatoire, ce nouveau type de chirurgie participe à la réduction de la durée de séjour. En Suède d’où est originaire le groupe Capio, on compte 2,8 lits d’hôpitaux pour 100 000 habitants versus 6,6/100 000 en France. La récupération rapide participe à cette réduction drastique du nombre de lits. En Grande-Bretagne, selon l’article Wikipedia rédigé par le directeur médical de Capio France, le Dr François Demesmay, la RRAC bénéficie d’une tarification majorée comparée aux interventions classiques grâce aux « best practice tarifs ».
L’obstacle en France, la politique tarifaire
En France, cette montée en puissance se heurte à la politique tarifaire. Au lieu d’être valorisée, elle serait sous-financée par les pouvoirs publics. Sont mises en cause les bornes basses dans la classification des groupes homogènes de séjour. Avec ce dispositif la durée de séjour jouerait un rôle important. Avec pour effet pervers la tentation de prolonger un séjour sans autre motif que de bénéficier d’un tarif plus élevé. On est loin de l’interpellation d’Henrik Khelet qui incitait ses collèges à s’interroger : « Pourquoi le patient est-il encore à l’hôpital ? »
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