A L'OCCASION du salon Opto, qui a réuni à Paris les principaux producteurs mondiaux d'équipements optiques et de lasers industriels et scientifiques, un séminaire sur les applications médicales de ces techniques en a révélé les possibilités innombrables. Au-delà des progrès de l'imagerie, de la biométrie et de la généralisation des lasers dans plusieurs spécialités, dont la dermatologie et l'ophtalmologie, la biophotonique ouvre la voie à de nouveaux domaines de recherche, comme la protéomique. Laquelle fait appel aux électrophorèses, aux spectrométries de masse et aux nouvelles méthodes de chromatographie et de microscopie couplée avec des cantilevers biologiques.
Chercheur en génomique fonctionnelle à l'institut Novartis de recherche biomédicale de Bâle, Michel Faupel dirige aussi un centre de formation avancé à ces nouvelles disciplines, Formatis, et anime le réseau Rhenaphotonics, qui réunit des scientifiques français, suisses et allemands autour de ces disciplines.
La biophotonique, affirme-t-il avec enthousiasme, va révolutionner le diagnostic et la cartographie protéomique des 30 000 protéines contenues dans la cellule permettra d'anticiper les maladies et d'intervenir avec une grande précision à des fins thérapeutiques, vaccinales ou préventives.
En outre, la protéine, sensible à la lumière, deviendra un support d'information beaucoup plus fiable, plus puissant et durable que les disques et CD actuels : d'ici à quelques années, on stockera des milliers de dossiers médicaux complets sur des cartes en plastique recouvertes d'un film de protéines, réunissant tous les examens quotidiens d'imagerie dans un hôpital. Un centimètre carré de ce film permet de stocker 1 terabyte* d'informations.
L'équipe du Pr Patrick Meyrueis, de l'institut de physique de Strasbourg, a déposé 17 brevets relatifs au stockage biophotonique des données et en a cédé plusieurs à la société japonaise Pioneer.
Enjeux industriels et économiques.
Les industriels européens sont-ils conscients des enjeux de la biophotonique pour l'avenir ? Comme le souligne Michel Faupel, la biophotonique médicale pèse déjà 8 milliards de dollars dans le monde et sa croissance devrait multiplier le chiffre par 6 dans les prochaines années. Pourtant, estime-t-il, les investissements des Européens sont insuffisants, et le risque existe que ce secteur leur échappe. Costel Subran, président-directeur général d'Opton Laser International, le plus gros distributeur français de lasers est optimiste, mais prudent. « Le marché du laser et de la photonique a été dévasté par l'explosion de la bulle télécom, en 2000-2001, et ne s'enthousiasme plus aussi facilement qu'autrefois », explique-t-il. Il table néanmoins sur une très forte expansion du secteur biophotonique dans les cinq à dix ans, y compris grâce à l'arrivée, dans les laboratoires d'analyses médicales, d'équipements autrefois réservés aux seuls instituts de recherche. Il en est de même pour les nouveaux instruments, qui pourront être utilisés par les médecins dans leur cabinet et non plus seulement par les grands hôpitaux.
Si les applications thérapeutiques de la protéomique n'en sont qu'à leurs débuts, de nombreux autres secteurs de la biophotonique, notamment en pharmacologie et en imagerie, ont dépassé le stade de la conception. De nouveaux médicaments, activés par des rayons lasers spécifiques permettent d'agir sur les vaisseaux de la rétine responsables de la dégénérescence maculaire liée a l'âge (Dmla) sans nuire pour autant aux tissus qui les entourent. C'est le cas de la vertéporfine (Visudyne), sensible à la lumière et injectée par voie intraveineuse. Au niveau de la rétine de l'oeil malade, un laser très précis est utilisé pour modifier la structure de la molécule juste aux endroits atteints. Les cellules pathologiques visées sont tuées et les zones saines restent intactes.
Patient virtuel.
Dans le domaine de la chirurgie, la mise en commun des nouvelles techniques d'imagerie médicale permet désormais de reconstruire totalement un « patient virtuel » correspondant exactement au patient réel et à sa pathologie. Le Dr Jean-Baptiste Fasquel (Institut de recherche sur les cancers digestifs, Strasbourg, Prs Marescaux et Soler) a présenté au salon Opto ces nouvelles méthodes qui permettent au chirurgien, la veille de l'opération, de s'entraîner sur le patient virtuel, un peu comme un pilote d'avion dans un simulateur. Le chirurgien peut affronter toutes les difficultés qu'il rencontrera chez le vrai patient et pourra donc mieux les appréhender. Pendant l'intervention, des dispositifs de « vue augmentée », qui se superposent à l'image réelle du patient permettent au chirurgien de voir, tout en travaillant, des aspects normalement invisibles ou cachés.
Toutes ces techniques nouvelles illustrent la symbiose croissante, autour des applications biophotoniques, entre les mondes de l'ingénierie, de la biologie et de la médecine. Or, regrette Michel Faupel, « la plupart des médecins n'imaginent pas l'ampleur des révolutions que tout cela va entraîner », alors que leur formation à ces nouveaux savoirs aujourd'hui est la clé de l'évolution médicale.
* Unité utilisée pour mesurer les très grandes mémoires (tera multiplie l'unité par 10 puissance 12), correspondant à 1 000 milliards d'octets.
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