« Vous allez voir, ce conflit sur les honoraires médicaux va se terminer comme dans les années quatre-vingt avec l'instauration de possibilités de dépassements tarifaires. »
Le responsable de la CNAM, qui fait ce pronostic, n'a pas oublié que, voici vingt-deux ans, devant l'impossibilité financière d'augmenter les honoraires conventionnels, le gouvernement de Raymond Barre avait alors créé un secteur à honoraires libres (le secteur II) dans le cadre duquel pouvaient exercer tous les médecins qui le souhaitaient, moyennant une augmentation de leurs charges sociales.
Quelques années plus tard, en 1990, le secteur à honoraires libres fut presque totalement gelé ; les praticiens qui en bénéficiaient déjà purent le garder, mais les nouvelles admissions furent interdites, sauf pour les anciens chefs de clinique et les anciens hospitaliers plein temps.
Aujourd'hui, la situation est cependant différente. Notamment parce que l'on imagine mal un gouvernement - fût-il de droite - autoriser les médecins à opter à nouveau pour la liberté tarifaire, mesure impopulaire s'il en est auprès des malades qui seraient davantage mis à contribution soit directement, soit par le biais des cotisations mutualistes.
Du reste, mis à part Alain Madelin et Jean-Marie Le Pen, aucun des candidats à l'élection présidentielle ne s'est jusqu'à présent prononcé pour la liberté tarifaire.
C'est peut-être parce qu'ils en sont conscients que la majorité des généralistes axe ses revendications davantage sur une hausse des honoraires conventionnels (en exigeant que le C soit porté à 20 euros et le V à 30 euros) que sur le rétablissement de la liberté des honoraires. Certes, ce rétablissement figure dans la plate-forme de revendication nationale élaborée dimanche dernier par la coordination nationale des médecins généralistes. « Mais, souligne le Dr Jean-Marc Rehby, responsable régional des coordinations pour le nord de la France, ce n'est pas une revendication prioritaire ni fondamentale pour la majorité d'entre nous. »
« La priorité, c'est la dénonciation de l'accord conclu entre MG-France et les caisses d'assurance-maladie, confirme le Dr Jean-Paul Hamon, l'un des responsables de la coordination nationale. Mais, c'est vrai, en Ile-de-France et dans les grande métropoles où les charges des cabinets médicaux sont plus lourdes qu'ailleurs, il y a une forte pression pour la suppression du tarif d'autorité et la réouverture du secteur II. »
Les conclusions du G7 en question
Les syndicats opposés à l'accord MG-France - caisses reconnaissent eux aussi l'existence de ce mouvement en faveur de la liberté tarifaire, mais en relativisent l'importance et ne le cautionnent pas.
« Nous n'avons jamais demandé la réouverture du secteur II, souligne le Dr Chassang, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF, branche généraliste de la CSMF) ; d'une manière générale, les généralistes n'ont pas une culture secteur II ; il y a peut-être 20 % d'entre eux qui sont pour la liberté tarifaire, cela correspond à peu près aux généralistes qui appliquent le C à 20 euros. »
« La réouverture du secteur II, ce n'est pas une exigence que nous avons formulée, souligne de son côté le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML) ; du reste si on avançait cette revendication cela retournerait immédiatement l'opinion contre nous. » Le leader du SML reconnaît cependant qu'il n'est pas exclu que, lors de négociations conventionnelles, le problème de la réouverture du secteur II soit à nouveau évoqué.
La CSMF et le SML sont d'autant moins tentés de reprendre à leur compte l'exigence de liberté tarifaire exprimée par certains membres des coordinations que ces deux syndicats sont liés par la plate-forme du G7 qu'ils ont signée avec la CGT, FO, la CFTC et la CFE-CGC. Une plate-forme qui prévoit que le tarif du C doit être porté à 30 euros et que le secteur II doit progressivement disparaître (avec le maintien, cependant, de quelques espaces de liberté tarifaire pour certains actes).
Ressortir des tiroirs syndicaux le mot d'ordre de la liberté des honoraires ne serait pas simplement impopulaire : cela ferait voler en éclats ce front commun organisations médicales-syndicats de salariés. Autant d'éléments qui expliquent que CSMF et SML hésitent à enfourcher le cheval du secteur II.
Seule, finalement la FMF - dont certains militants sont présents dans les coordinations - défend la liberté tarifaire qu'elle avait soutenue dès 1980. Elle exige la suppression du tarif d'autorité (moins de un euro) sur lequel sont remboursés aujourd'hui les patients qui consultent les médecins non conventionnés. La FMF souhaite qu'en vertu du principe « à cotisations égales, prestations égales » les patients soient remboursés sur la base du tarif conventionnel. Dans ces conditions, exercer hors convention présenterait pour le médecin les mêmes avantages qu'exercer dans le cadre du secteur II et de nombreux praticiens pourraient être tentés de se déconventionner. Tel est du moins le pari que fait la FMF. Un pari que le Dr Cabrera juge irréaliste.
La plate-forme de la coordination
La « plate-forme de revendication nationale » adoptée dimanche par la Coordination nationale des médecins généralistes exige notamment que l'accord signé entre MG-France et la CNAM soit dénoncé, que la valeur du C soit portée à 20 euros minimum, que le tarif de la visite soit désormais celui de la consultation majoré d'une indemnité de déplacement de 10 euros ou d'indemnités kilométriques d'un euro par kilomètre. La plate-forme demande également que le tarif d'autorité auquel sont remboursés les patients qui consultent des praticiens non conventionnés soit supprimé et que les médecins aient à nouveau la possibilité d'opter pour le secteur à honoraires libres. Elle souhaite que les conventions médicales soient signées par des organisations représentant plus de 50 % de tous les médecins et que la télétransmission soit « justement rémunérée ».
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