Garantir l'accès aux médicaments
UN ÉCHEC à Hong Kong risquerait de signer l'arrêt de mort du cycle de Doha, qui aurait dû être bouclé avant la fin de l'an dernier mais ne sera conclu au mieux qu'à la fin de 2006. A six semaines de la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce organisée à Hong Kong du 13 au 18 décembre, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) redoutent que ne se renouvelle le scénario de la conférence de Cancun (Mexique), en septembre 2003, qui s'est conclue par un échec, en raison de l'affrontement entre pays pauvres du Sud et pays riches du Nord, notamment sur les questions agricoles. « L'agriculture est au cœur du cycle de négociation de Doha et avec raison. Mais aussi importante soit-elle, (l'agriculture) ne doit pas avoir le monopole », ont souligné Paul Wolfowitz, président de la Banque mondiale, et Rodrigo de Rato, directeur général du FMI (Fonds monétaire international), qui présentent Hong Kong comme la réunion de la « dernière chance ». Un succès « demandera aux partenaires clés de mettre de côté leurs intérêts étroits, de faire preuve de flexibilité pour arriver au résultat ambitieux que le monde attend et dont il a besoin. Les enjeux sont trop importants pour envisager un échec », ont ajouté les deux dirigeants.
Les positions des différents partenaires divergent sur la baisse des droits de douane sur les importations agricoles. Après avoir, dans un premier temps, proposé une baisse de 20 à 50 % (soit 36 % en moyenne) des tarifs douaniers européens sur les produits agricoles, le commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson, a poussé son offre de réduction, de 35 à 60 % (soit en moyenne 46 %). Par la voix de Jacques Chirac, la France, qui s'interroge sur la compatibilité de l'offre avec le mandat de négociation donné à la Commission, a affirmé qu'elle ne « donnera pas son approbation à un accord qui ne garantit pas l'intégrité de la réforme de la politique agricole commune adoptée en 2003 ». Les Etats-Unis, qui ont, de leur côté, proposé de réduire de 60 % les aides versées aux agriculteurs américains, déclarent être « déçus » par la proposition de l'Union européenne, immédiatement rejoints par deux autres grands pays agricoles, le Canada et l'Australie. Au nom des pays du G20, groupe des pays en développement qui cherchent à défendre leurs intérêts agricoles face à l'UE et aux Etats-Unis, le Brésil estime que la proposition européenne est une « avancée » mais qui reste « éloignée » des offres des pays du G20.
Le Brésil semble s'être rapproché des Etats-Unis après le sommet des Amériques en Argentine, à l'issue duquel Luiz Inacio Lula da Silva a reçu Georges Bush. « La réussite du cycle de Doha avant la fin 2006 est une priorité aussi bien pour les Etats-Unis que pour le Brésil », a déclaré le président brésilien.
De longues négociations.
C'est dans ce contexte que le ministre des Affaires étrangères, Christine Lagarde, affirme la nécessité de « remettre le développement au cœur du cycle de Doha », l'accès aux médicaments étant un volet important de la question. En particulier, la France reste attachée à faire passer dans les textes l'accord du 30 août 2003 conclu après une longues négociations commencées en 1994, année où ont été institués les accords sur les aspects du droit de la propriété intellectuelle touchant au commerce (Adpics), mettant fin à l'ancien système dans lequel chaque Etat était libre d'agir en matière de protection intellectuelle dans le domaine pharmaceutique. A l'issue de l'Uruguay Round, les accords de Marrakech instituent l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et les accords Adpics imposent la même norme de droit à l'ensemble des pays membres, riches ou pauvres. Très vite apparaissent des tensions entre pays du Nord et du Sud à propos de l'accès aux médicaments, surtout dans le contexte d'épidémie du VIH/sida. En 2001, la déclaration de Doha ou déclaration « Adpic et Santé publique » prend en compte la nécessité de concilier l'urgence sanitaire et le respect du droit des brevets, en introduisant la possibilité d'un recours au mécanisme de « licence obligatoire ». En août 2003, les modalités du mécanisme sont fixées, de même qu'est résolue la question restée en suspend, de l'approvisionnement en génériques dans les pays qui ne peuvent fabriquer eux-mêmes les médicaments. L'accord du 30 août, considéré comme historique, est cependant jugé complexe par les associations qui militent pour l'accès aux médicaments dans les pays pauvres : une double licence est requise, à la fois pour le pays importateur et le pays exportateur ; elle n'est valable que pour une transaction unique, pour un médicament précis, une quantité donnée et une période limitée dans le temps.
L'accord, d'application immédiate, doit, pour être totalement efficace, faire l'objet d'une transposition dans l'accord Adpic lui-même. L'Union européenne milite que le texte de l'accord soit amendé de manière consensuelle et a engagé la procédure législative pour le transposer en droit communautaire sous la forme de règlement.
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