Peut-être n'était-il pas très astucieux, pour le gouvernement, d'imposer plusieurs réformes à la fois aux enseignants.
La décentralisation et la réforme des retraites sont entrées en collision, et ont provoqué une levée de boucliers dans les personnels de l'Education nationale qui sont très méfiants, par ailleurs, quant aux diminutions d'effectifs envisagées par les pouvoirs publics.
Ces trois facteurs de la colère des enseignants sont pourtant bien distincts. La prolongation des carrières est considérée comme le danger le plus grave. En effet, il faut faire des études avant d'enseigner et si l'on commence sa carrière après 25 ans, il est très difficile de faire l'instit ou le prof après 60 ans. L'enseignement est comme tous les glorieux métiers de la République qui ont pris un coup de vieux et perdu leur prestige : la permissivité héritée de 1968 a fabriqué des classes insupportables, agitées, insolentes, parfois violentes. Comme les médecins, les profs sont épuisés au bout de trente ans de carrière.
Et s'ils ne font pas des études aussi longues que les médecins, il leur faut quand même acquérir les techniques de formation des élèves. En d'autres termes, la réforme leur demande un sacrifice considérable et ne leur offre qu'un choix médiocre : partir plus tôt avec une retraite insuffisante ou avoir une pension à peu près décente, mais en se tuant à l'ouvrage.
Du coup, Luc Ferry, le ministre de l'Education, devient leur tête de Turc. Comme son prédécesseur Claude Allègre. Peut-être aurait-il fallu prévoir un cas particulier pour les enseignants. Il demeure qu'ils n'ont pas le monopole du sacerdoce et que d'autres professions sont pires que les leurs ; et que, si on multiplie les exceptions, la réforme sera vidée de sa finalité, qui est d'équilibrer les régimes de retraite. D'autant que les projections faites par le gouvernement à 2020, et qui prévoient des carrières de 42 ans, ne suffisent pas à assainir les comptes. Une ou deux années de cotisations n'empêcheront pas un déficit que le gouvernement a prévu de combler par la voie budgétaire.
De sorte qu'une des mesures les plus impopulaires qui aient été conçues est par ailleurs inefficace. Comme il y a eu une manifestation des enseignants mardi dernier et qu'il y aura une grève générale mardi prochain, on peut se demander si le gouvernement aura le front de passer en force.
Même si l'ombre de l'injustice semble peser sur la retraite des enseignants, la réforme de l'Education nationale demeure nécessaire. C'est seulement quand l'ordre sera rétabli dans les écoles et les lycées que le travail des enseignants deviendra un plaisir, à savourer dans la durée.
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