DEPUIS SOIXANTE ANS qu'existe en France la retraite par répartition, à l'horizon 2030, on va passer d'un rapport démographique de 10 cotisants pour 1 retraité à… 1 cotisant pour 1 retraité. Le tableau, plutôt noir, est brossé par le Dr Gérard Maudrux, président de la Caisse autonome de retraite des médecins de France – CARMF (1), 60 ans cette année, organisatrice pour l'occasion d'un colloque sur l'avenir du système.
Pour ce qui concerne la situation spécifique des médecins, le Dr Maudrux explique que la situation est aujourd'hui la suivante : «Pour simplifier, nousavons 3actifs pour 1retraité, nous prélevons en moyenne12000euros à chaque actif pour des retraites moyennes de près de 36000euros.»
Et en 2030 ? «Dans une génération, nous n'aurons plus que 1actif pour 1retraité. Dans ces conditions, faudra-t-il passer la cotisation de 12000 à 36000euros, ou la retraite de 36000 à 12000euros, pour maintenir la répartition en équilibre? À ce niveau, même le partage entre hausse des cotisations et baisse des retraites paraît inacceptable, affirme Gérard Maudrux. Actif, je ne pourrai plus payer; retraité, je ne pourrai plus vivre alors que j'aurai contribué pendant toute ma carrière.»
D'autres leviers que l'augmentation des prélèvements et la baisse des pensions existent, évoqués par les experts participant au colloque de la CARMF – entre autres : l'économiste Christian Saint-Étienne ; Yves Guégano, secrétaire général du conseil d'orientation des retraites ; Raoul Briet, président du conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites.
Il y a d'abord la hausse du nombre de cotisants, soit, pour les médecins, celle du numerus clausus qui a effectivement eu lieu en plusieurs temps – et dans des proportions non négligeables – ces dernières années. Problème, les projections de la CARMF tiennent déjà compte de ces hausses. Une autre possibilité est de retarder l'âge de départ en retraite (ou d'augmenter la durée de cotisation). Oui mais, à 66 ans en moyenne, les médecins prennent déjà leur retraite beaucoup plus tard que les autres actifs (voir tableau). Et l'équité est en jeu, ajoute le Dr Maudrux, car faire passer la barre à «70 ou 75ans, c'est supprimer la retraite de tous ceux qui sont moins bien servis par la nature et leur demander de cotiser toute leur vie pour ceux qui auront été mieux servis». Et puis il y a la piste des réserves et, bien sûr, la solution de la capitalisation. Autant de réponses que, selon le Dr Maudrux, la CARMF a déjà mises en oeuvre, d'une manière ou d'une autre – au passage, le patron de la CARMF livre cette statistique impressionnante : entre 1948 et aujourd'hui, les cotisations retraite des médecins ont été, en euros constants, multipliées par… 38 !
Sortir de l'impasse.
Face à ce constat d'impasse, les experts invités de la CARMF ont élaboré, à l'échelle de l'ensemble des actifs français, leur stratégie pour sauver la retraite par répartition. Tous sont d'accord sur le caractère urgent de ce dossier. «On a 20ans pour y arriver», estime ainsi Christian de Saint-Etienne. Auteur en 1993 d'une « Génération sacrifiée », l'économiste propose à l'horizon 2024 un plan de sauvetage à triple entrée : «Pour rétablir quelque chose de supportable dans la durée et ne pas tuer la poule aux oeufs d'or, (…) je pense personnellement qu'il faut un couple “44ans decotisation/âge de départ à 64ans” –agir sur un seul de ces deux leviers serait inéquitable. Cette solution ne veut pas dire qu'à titre individuel il n'y aura pas de baisse de rendement: aujourd'hui, le taux de remplacement [rapport entre le niveau de la pension versée et le niveau du dernier revenu d'activité, NDLR] est de 65 à 70%; à terme, il pourrait être de 55%. (…) Il faudrait donc un autre étage de retraite en capitation, que je verrais bien obligatoire, sur le modèle des assurances auto.» Une mini-révolution pour éviter le pire. Car l'économiste prévient, «le risque, si on ne fait rien, c'est de devoir dire un jour à des millions de gens:“On ne paie plus. ” Cela aura des conséquences politiques d'une violence qu'on ne peut pas soupçonner!»
(1) La CARMF compte 170 000 affiliés et encaisse chaque année 1,7 milliard d'euros de cotisations.
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