La seule mise au point d'un vaccin efficace ne suffit plus à assurer la protection d'une population contre les maladies infectieuses. Les stratégies de vaccination doivent s'adapter à l'évolution épidémiologique des germes en cause. La coqueluche qu'on croyait éradiquée après la généralisation de la vaccination en 1966 en est un bon exemple.
En effet, les résultats d'une étude prospective (1), réalisée à Paris et en région parisienne, chez 217 patients ayant consulté leur généraliste pour une toux de plus de sept jours, confirment sa résurgence déjà mise en évidence dans une précédente étude chez les nourrissons (2).
A l'occasion d'une conférence organisée dans le cadre de la campagne de dons lancée par l'Institut Pasteur, le Dr Nicole Guiso (responsable du Centre national de référence de la coqueluche et autres bordetelloses) précise : « L'étude de 1998 avait déjà démontré la résurgence de la coqueluche, suggérée par l'apparition de cas chez des nourrissons hospitalisés. De plus, elle avait indiqué un changement de l'épidémiologie de la maladie. Son pic ne se situait plus chez les enfants âgés de 4 à 5 ans, comme dans les pays non vaccinés, mais chez des nourrissons de moins de 2 mois. La transmission se fait désormais de parents à enfants et non plus d'enfants à enfants. Il fallait confirmer cette modalité de la transmission, car peu de cas de coqueluche avaient été rapportés chez l'adulte. »
Une toux persistant pendant 7 à 31 jours
L'étude a été conduite en collaboration avec le Pr Serge Gilberg (hôpital Necker, Paris), l'Association pour l'aide à la médecine préventive (AMP), la Société de formation thérapeutique du généraliste (SFTG) et l'Institut Pasteur. Entre avril et décembre 1999, elle a inclus des patients avec une toux persistante (de 7 à 31 jours) sans cause évidente (pathologie pulmonaire ou cardiaque et prise médicamenteuse). Le statut vaccinal, les antécédents de coqueluche et la notion d'un contact ont été recherché par l'interrogatoire. La confirmation du diagnostic d'infection à Bordetella pertussis a été réalisée au laboratoire à partir :
- des aspirations nasopharyngées ou des expectorations par mise en culture et isolement du germe (en cas de délai d'acheminement < 4 heures) ou identification du matériel génétique par PCR (l'une spécifique de B. pertussis, l'autre pour B. parapertussis et B. bronchiseptica) ;
- de 2 prélèvements sanguins à l'inclusion et à 4 semaines par détermination des taux d'anticorps antitoxine (IgG et IgA) par méthode ELISA.
3 coqueluches dans sa vie
Soixante-dix cas de coqueluche ont été diagnostiqués (soit 32 % des patients), ce qui conduit à une incidence estimée de 508 cas pour cent mille habitants/an. Si 73 % des patients inclus dans l'étude étaient des femmes, l'analyse a montré que la distribution des cas positifs n'était pas influencée par le sexe, ni d'ailleurs par l'âge ou l'origine (migrants ou non).
En outre, aucune différence n'a été observée entre les patients prélablement vaccinés ou ayant déjà eu la coqueluche et les autres. Cela suggère une durée de l'immunité conférée par le vaccin identique à l'immunité naturelle acquise après infection (10 ans pour la coqueluche). « Il faut abandonner l'idée qu'une maladie infantile ne s'attrape qu'une fois. On peut, par exemple, avoir 3 fois la coqueluche dans sa vie », annonce le Dr Guiso. Dans un pays comme la France, où la couverture vaccinale est assurée depuis trente ans, le taux de germes circulants n'est plus suffisant pour maintenir cette immunité. Le calendrier vaccinal avait déjà été modifié en 1998 en introduisant un rappel vaccinal tardif entre 11 et 13 ans.
En effet, des études avaient montré que la coqueluche était la deuxième cause de mortalité chez les nourrissons de moins de 2 mois et la troisième cause chez les moins de 18 ans. Le travail d'aujourd'hui montre que les parents (mère ou père) peuvent transmettre le germe à des nourrissons non protégés (pas de transfert de l'immunité de la mère à l'enfant) et non vaccinés. La mise au point d'un vaccin pour l'adulte (avec des protéines purifiées en quantité moindre que chez l'enfant) pourrait réduire le risque de transmission familiale.
(1) S. Gilberg, E. Njamkepo, I. Parent du Châtelet, H. Partouche, P. Gueirard, C. Ghasarossian, M. Schlumberger, N. Guiso. A paraître dans « Journal of Infectious Diseases ».
(2) Baron S. et coll., « Pediatric Infectious Diseases », 1998.
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