« La proportion de souches de Salmonella enterica sérotype cholerae suis résistantes aux fluoroquinolones a augmenté de façon rapide et dramatique, de 0 en 1999 à 60 % dans le troisième trimestre de l'année 2001 », font remarquer Cheng-Hsun Chiu et coll. (Chang Gung Memorial Hospital et Chang Gung Children's Hospital, Taiwan) qui publient une étude sur l'incidence et la sensibilité des salmonelles à Taiwan. Salmonella enterica sérotype cholerae suis est le plus souvent impliquée dans les formes extradigestives, avec bactériémie et localisation viscérale secondaire, de salmonelloses nécessitant une antibiothérapie par voie parentérale. Multirésistante aux trois molécules habituellement utilisées : ampicilline, chloramphénicol, triméthoprime-sulfamétoxazole, cette souche est de plus en plus décrite comme résistante aux fluoroquinolones. Seules les céphalosporines de 3e génération seraient donc actives.
Une mutation chromosomique
En examinant la répartition des 8 196 souches de salmonelles isolées entre 1987 et 2000, surtout à partir de prélèvements sanguins (72 %), les chercheurs ont remarqué que la proportion de S. cholerae suis (501 souches) avait significativement diminué entre 1996 et 1998, pour remonter de 5 % en moyenne entre 1998 et 2000. Ce fait, mis en rapport avec l'épidémie de fièvre aphteuse de 1996 qui avait entraîné l'abattage de nombreux porcs, a conduit les chercheurs à considérer le porc comme un réservoir possible de cette souche.
La résistance aux trois antibiotiques habituels a augmenté de manière constante : 90 % des souches étaient résistantes à, au moins, l'un de ces trois antibiotiques en 2000. La résistance à la ciprofloxacine (de la famille des fluoroquinolones) n'est apparue qu'au cours de l'année 2000. L'étude de 48 souches de S. cholerae suis, comparée à 17 souches isolées en 1997 et 26 provenant de pourceaux atteints de dysenterie, a permis d'éclairer le mécanisme de cette résistance. Celle-ci ne serait pas plasmidique mais chromosomique : toutes les souches résistantes (chez l'homme et chez le porc) présentaient les mêmes mutations : substitution d'une phénylalanine pour une sérine en position 83 et d'une asparagine pour un acide aspartique en position 87 du gène codant l'ADN gyrase A bactérienne. Or les fluoroquinolones agissent en inhibant cette enzyme.
La résistance s'étendrait ainsi à l'homme lors de l'ingestion de viande de porc. Les auteurs ont vérifié cette hypothèse qui s'oppose à la thèse admise d'un mauvais usage des antibiotiques : aucun des patients aux souches résistantes n'avait reçu de quinolone. Selon eux, la solution consisterait en « l'interdiction des fluoroquinolones dans l'alimentation animale ».
« New England Journal of Medicine », vol. 346, n° 6, 7 février 2002.
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