S I la politique est parfois agaçante, pour ne pas dire consternante, c'est parce qu'elle véhicule tous les jours son lot d'exagérations idéologiques. La liberté d'expression permet à chacun d'exprimer des idées marginales. C'est quand ceux qui les formulent sont proches du pouvoir que ces idées deviennent inquiétantes.
Le congrès des Verts, qui a permis à Alain Lipietz, candidat à la présidence de la République, d'imposer à ses amis une résolution laissant envisager une amnistie des crimes de sang en Corse, ne peut pas être pris à la légère. Il ne s'agit pas, en effet, d'une forme d'irresponsabilité, mais d'une conviction tellement forte qu'elle a finalement pris le dessus de toutes les réserves exprimées par d'autres Verts, à commencer par Noël Mamère, pourtant capable de prononcer des déclarations fracassantes, mais qui a décidé de ne plus faire campagne pour M. Lipietz.
Des échanges « subtils »
Dominique Voynet a alors tenté d'apaiser la crise née de cette très surprenante résolution. Elle a notamment évoqué les échanges d'idées particulièrement « subtils » auxquels a donné lieu la réunion des Verts. En d'autres termes, les écologistes sont tellement intelligents qu'ils en arrivent à pardonner les crimes de sang, au nom de la sacro-sainte lutte des Corses pour leur « libération ».
Noël Mamère a déclaré que, selon lui, la Corse n'est ni une colonie, ni la Nouvelle-Calédonie, ni l'Algérie. En parlant de la sorte, il a des accents très proches du langage de Jean-Pierre Chevènement, qu'il considère pourtant comme un adversaire politique.
M. Mamère a racheté en partie la dérive des Verts. La confusion qu'ils font entre un projet politique et un projet criminel ne mérite aucune indulgence. Ils n'ignorent pas en effet que, sous couvert d'indépendantisme, quelques groupuscules corses ont des activités mafieuses et règlent des comptes qui n'ont rien à voir avec la politique. Ils n'ignorent pas davantage que, en dépit de profondes carences de gestion, les Corses n'ont jamais été maltraités par l'Etat français, qui leur a accordé des avantages fiscaux et financiers dont ils n'ont pas toujours fait le meilleur usage. Il est d'ailleurs impossible de définir tous les Corses sous un seul vocable. Les auteurs de crimes, qui sont une poignée, font peser sur tous les autres Corses une menace qui se traduit par la loi du silence.
Quand on sait que les Verts participent au gouvernement et que leur candidat à la présidence nourrit des idées intolérables, on souhaite que le gouvernement se dresse pour dénoncer sans nuances leur position, pour répéter qu'aucun des assassinats commis dans l'île n'a jamais eu la moindre justification politique et que, quelle que soit l'issue des négociations relatives au projet corse de M. Jospin, les coupables seront poursuivis. En dépit des assurances faites par le Premier ministre à la veuve du préfet Claude Erignac, nos dirigeants entretiennent une incertitude concernant leur attitude face aux crimes de sang. Ils semblent en faire une carte politique à jouer au bon moment pour emporter la décision de les considérer, une fois pour toutes, comme des faits relevant, quoi qu'il arrive, de la justice.
On se moque bien de savoir si M. Lipietz, qui vient de l'extrême gauche, n'a pas causé aux Verts un grave dommage électoral ; on se moque bien de savoir si la majorité plurielle n'est pas en train d'exploser à la faveur du début d'une crise sociale qui risque de s'aggraver ; on se moque bien de savoir combien d'erreurs à la Lipietz seront commises, à droite et à gauche, avant les élections présidentielle et législatives. Il est tout simplement anormal, inexcusable, que la « subtilité » de la pensée d'un groupe politique le conduise à penser que les victimes du terrorisme puissent être rangées dans la colonne des pertes et profits.
Démagogie à Durban
Sur un tout autre plan, la Conférence mondiale sur le racisme a réussi, comme on pouvait le craindre, à donner d'elle-même l'image de la plus pure démagogie. Bien qu'il ait prononcé un discours violemment anti-israélien, ce qui est bien normal, Yasser Arafat a laissé à d'autres le soin de prendre le relais de sa grande analyse politique, celle qui consiste à assimiler les Israéliens à un peuple raciste.
Bien entendu, les pays qui soutiennent ce magnifique concept sont eux-mêmes exemplaires en matière de racisme, à commencer par l'Inde qui ne s'est jamais débarrassée de son système de castes.
Bien entendu, le mot apartheid a été appliqué à Israël par des Sud-Africains, qui en ont réellement souffert et croient, par ignorance, que ce régime est appliqué dans les territoires. Tout ce qui est dit à Durban est marqué par le simplisme. Les Juifs n'auraient aucun droit historique sur le territoire d'Israël ; avec un million d'Arabes israéliens qui vivent dans l'Israël d'avant 1967, qui ont le droit de vote et élisent des députés à la Knesset, Israël pratiquerait néanmoins la ségrégation.
En revanche, les Palestiniens seraient, depuis toujours, des victimes, alors que 80 % d'entre eux, selon un sondage récent, approuvent les attentats-suicides. Eux qui assassinent les civils israéliens qui s'aventurent dans les territoires, dénoncent les assassinats de leurs chefs militaires par l'armée israélienne, comme si les Israéliens ne devaient en aucun cas riposter aux attentats.
Ce sont en vérité les racistes qui dénoncent le racisme à Durban. Ils auront fait tout ce qui était en leur pouvoir pour renforcer les Israéliens dans la conviction que toute recherche de solution politique est vouée à l'échec.
Une grave injustice
Certes, une grave injustice historique a été commise par les Israéliens contre les Palestiniens. Il ne s'agit pas de racisme mais d'un conflit entre deux peuples qui ne se résolvent pas à partager la même terre. Une guerre à laquelle Yasser Arafat aurait pu mettre un terme il y a un an. Le déclenchement de la deuxième intifada ne pouvait avoir qu'un corollaire, la répression. Elle était inévitable dès lors que les dirigeants palestiniens se sont conduits non plus comme s'ils acceptaient le partage mais comme s'ils voulaient bouter les Israéliens hors d'Israël. Que signifient les appels incessants à la violence, l'endoctrinement par le fanatisme, les attentats-suicides, sinon le rejet absolu des Juifs ? Aucun Israélien, toutefois, n'a accusé les Palestiniens de racisme, bien qu'il soit largement répandu dans le monde arabe, bien que l'enseignement prodigué aux enfants palestiniens décrive les Juifs comme des monstres.
La faillite de Durban n'est d'ailleurs pas celle des Palestiniens, mais celle des organisations internationales qui n'ont pas empêché cette dérive, des ONG qui ont signé des textes anti-israéliens, des gouvernements qui les ont approuvés. La souffrance d'un peuple a été récupérée par les professionnels de l'intolérance, qui veulent nous faire croire que les Israéliens, eux, ne souffrent pas des attentats.
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