IL A FALLU LEUR RÉSERVER le plus grand amphithéâtre du campus (450 places) et, pour la première fois, organiser deux sessions d'accueil.
Les étudiants de première année de médecine de l'université Paris-Sud ont fait leur rentrée dans une ambiance survoltée. Installés aux quatre derniers rangs qu'ils se sont réservés, les redoublants entonnent des chants carabins, font résonner des cornes de brume et tapent à qui mieux mieux des pieds sur le sol. Sur le tableau, ils ont adressé ce message d'accueil aux nouveaux : « Primants, déprimez ». Et quand les nouveaux, tranquillement assis, attendent le début des discours, les carrés montent sur les tables et font les gros bras. Au fond de la salle, un jeune homme se tient à l'écart. A 19 ans, il a déjà vécu l'amphi d'accueil et il en faut plus pour l'impressionner : « Ils vont se calmer, c'est juste comme ça au début. Dans une semaine quand les cours commenceront, le stress va vite reprendre le dessus. »
Penser très tôt... à la réorientation.
En attendant, c'est sous une salve d'applaudissements qu'Étienne Bretey, responsable des trois premières années de formation à l'université Paris-Sud, prend le micro. « Je connais bien le problème qui vous préoccupe, préparer le concours le plus difficile qui existe », embraye-t-il. En haut de l'amphi, on réagit déjà : « Si t'es fier d'être en médecine, tape dans tes mains. »« J'ai été enseignant de Pcem1 pendant dix ans. Ce qui a grandement changé, c'est le nombre de candidats que nous attendons cette année. » L'universitaire se retourne pour inscrire le chiffre 850 sur le tableau noir. « Bouh, bouh ! »« Sur ces 850 étudiants, entre 150 et 170 seront reçus. En clair, pour ne pas utiliser la langue de bois, la plupart d'entre vous ne feront pas le métier pour lequel vous êtes venus. Je ne saurais trop vous conseiller de penser dès à présent à une réorientation. » Nouveau chahut dans les travées. « Lorsqu'on obtient un rang de classement trop éloigné de la barre, de l'ordre de 150 à 200 au grand maximum, il est illusoire de refaire un Pcem1, poursuit le responsable. Tous les reçus collés non classés en rang utile (au-delà du numerus clausus de la faculté) peuvent entrer en 2e année de certains Deug, ne l'oubliez pas ! » Les boulettes en papier pleuvent sur les premiers rangs. « Aux primants, je dirai de ne pas se laisser impressionner par les redoublants. A priori , s'ils sont encore là, c'est qu'ils n'étaient pas si bons ! »
« Une course de longue haleine ».
Le Pr Serge Bobin, vice-doyen de la faculté, se montre tout aussi direct avec ses protégés : « Il faut des qualités humaines pour être médecin, je ne suis pas sûr que vous les ayez tous... Vous avez fait le choix d'un métier fantastique. On vous demandera d'être profondément humain et compétent. Sachez que seulement 20 % d'entre vous seront reçus. Le conseil que je vous donne, c'est de travailler dès à présent. Ceux qui n'ont pas la volonté de bosser devraient se réorienter rapidement. Vous partez pour une course de longue haleine. »
Tour à tour, les professeurs des dix disciplines se présentent en quelques mots. Une heure après leur entrée, les carabins sont invités à quitter l'amphithéâtre. A la sortie, ils reçoivent le programme pédagogique de l'année universitaire et un emploi du temps pour le premier semestre. Emeline, 17 ans, ne semble pas terrorisée. « Je sais à quoi m'attendre, je me suis préparée à bosser dur cette année pour décrocher une des 16 places de kiné ouvertes au concours. Cette ambiance très particulière ne m'a pas étonnée, des amis redoublants m'avaient mise au parfum », confie la jeune femme. Un père bienveillant est venu de Sucy-en-Brie pour accompagner sa fille « qui avait besoin de se repérer ». Il ressort un peu déçu. Il espérait « plus d'informations concrètes ». A l'écart de sa progéniture, l'homme confie ses craintes : « Je ne sais pas si elle est prête psychologiquement à subir la pression des redoublants et la compétition qui commence déjà. »
Le manque de salles de TD
Les inscriptions sont à peine closes et Florence Lino, responsable du premier cycle des études médicales à Paris-Sud, sait déjà que le nombre d'étudiants de première année s'est envolé. « Aujourd'hui, nous avons 743 inscrits, contre 660 l'an dernier. Nous en attendons 800 à 850 quand le rectorat de Paris aura fini d'affecter entre les facultés parisiennes tous les bacheliers qui désirent faire médecine », explique-t-elle.
Pour faire face à la forte augmentation de la promotion de Pcem1, les responsables de la formation sont amenés à multiplier les groupes de travaux dirigés tout en conservant le même nombre d'enseignants. « Nous avons des problèmes pour trouver des salles pour tous les travaux dirigés », indique Florence Lino. Paris-Sud, qui ne dispose pas, comme d'autres facultés, de la vidéoconférence, ne retransmet pas les cours simultanément dans plusieurs amphithéâtres. Les enseignants sont donc amenés à répéter leurs cours.
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