AU NIVEAU rénal, la pression artérielle est sous la dépendance de plusieurs systèmes régulateurs interdépendants. Le système rénine-angiotensine-aldostérone (Sraa) est certes particulièrement connu. Néanmoins, l’oxyde nitrique et le système nerveux sympathique ont un rôle non négligeable.
L’action du système nerveux sympathique s’exerce en effet de manière ubiquitaire au niveau des vaisseaux rénaux autour des tubes. L’innervation sympathique amplifie en particulier la sécrétion de rénine par l’intermédiaire de l’action de la noradrénaline sur les récepteurs adrénergiques bêta-1. Elle régule de plus la réabsorption du sodium, à la fois directement, en agissant sur le transport du sodium, et indirectement, par l’intermédiaire des modifications hémodynamiques qu’elle engendre et par son action sur le Sraa. Par ailleurs, en cas d’expansion volémique, le tube contourné proximal sécrète de la dopamine qui entraîne une vasodilatation et une natriurèse. Au cours des maladies rénales chroniques, enfin, l’hypertension artérielle (HTA) est liée à la stimulation du Sraa et à la rétention sodée. En effet, les travaux historiques de H. Goldblatt ont montré que la réduction de la perfusion rénale peut induire une élévation durable de la pression artérielle. De plus, lors de la mise à disposition des premiers inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensinogène, il a été prouvé que le développement d’une HTA provoquée par le clampage d’une artère rénale chez le rat possédant deux reins peut être indéfiniment prévenue par le blocage du Sraa. Néanmoins, la genèse de l’hypertension artérielle s’explique également par une hyperactivité sympathique, avec élévation des taux de catécholamines circulantes. Cette hyperactivité est associée à une augmentation de la mortalité cardio-vasculaire chez les insuffisants rénaux dialysés. C’est dans ce contexte que J. Xu et coll. ont découvert une protéine essentiellement exprimée dans le rein, à laquelle ils ont donné le nom de rénalase (1).
Une méthodologie originale.
Cette découverte est originale en raison de la méthodologie inédite adoptée, du rôle présumé de cette protéine et de ses éventuelles implications thérapeutiques.
Concernant la méthodologie, J. Xu et coll. ont émis l’hypothèse selon laquelle les fonctions endocrines du rein sont incomplètement cernées. Il pourrait ainsi sécréter des protéines encore inconnues dont les fonctions biologiques sont importantes. En effet, le rein possède des fonctions endocrines bien connues, comme la production de rénine, d’érythropoïétine et de 1,25 alphadihydroxycholécalciférol. Il est par ailleurs admis que la dialyse péritonéale, l’hémodialyse et la transplantation rénale ne parviennent pas à restaurer l’intégralité des fonctions de l’organe malade. C’est ainsi que l’on explique la morbi-mortalité inhérente à ces techniques en dépit de leurs succès indéniables.
Ces auteurs ont ainsi recherché dans les bibliothèques de gènes du Gene Connection Project des séquences possédant moins de 20 % de similitude avec une protéine connue, commençant par un peptide signal et n’ayant pas de domaine transmembranaire. Ils ont ainsi identifié 114 candidats. L’expression de ces gènes a été étudiée par test du Northern Blot (analyse de l’ARN par électrophorèse et détection par une sonde). Un gène préférentiellement exprimé au niveau du glomérule et du tube contourné proximal a été trouvé. A un degré moindre, il est également exprimé au niveau du myocarde, du muscle squelettique et de l’intestin grêle. Baptisé par les auteurs « rénalase », ce clone est bien un produit de sécrétion, puisqu’il peut être mis en évidence dans le plasma et les urines des sujets sains, alors qu’il est indosable chez les hémodialysés.
Modifications hémodynamiques.
J. Xu et coll. ont mis en évidence diverses fonctions de la rénalase. Elle possède un domaine monoamine-oxydase, mais surtout une activité enzymatique qui concerne la dopamine avant tout, mais aussi l’adrénaline et la noradrénaline. La rénalase a, de plus, des effets systémiques qui ont été démontrés chez l’animal. Elle abaisse la pression artérielle et la fréquence cardiaque sans modifier les résistances périphériques. Parallèlement, les pressions télédiastoliques et télésystoliques ventriculaires gauches sont abaissées de manière dose-dépendante. Cette étude renforce l’hypothèse selon laquelle l’hypertension artérielle est avant tout un trouble de la perfusion tissulaire (2, 3). Enfin, les effets à long terme de la rénalase doivent être déterminés. Il en va de même des éventuelles possibilités thérapeutiques de l’administration de rénalase recombinante.
* Hôpital Edouard-Herriot, Lyon.
1) Xu J et coll., Renalase is a novel, soluble monoamine oxidase that regulates cardiac function and blood pressure. « J Clin Invest » 2005; 115: 1275-1280.
2) Mourad JJ, Laville M, Is hypertension a tissue perfusion disorder ? Implications for renal and myocardial perfusion. « J Hypertens Suppl » 2006; 24 (5): S10-6.
3) Amann K, et coll., Cross-Talk between the Kidney and the Cardiovascular System. « J Am Soc Nephrol » 2006; 17: 2112-2119.
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