De notre envoyée spéciale à Dijon
S ALUONS d'abord les médecins du GUAM (Gala de l'union des artistes médecins) qui, forts de plus de vingt ans d'expérience dans l'écriture et la mise en scène de spectacles musicaux, sont à l'origine de cette initiative dijonnaise. Passionné d'écriture, le Dr Jean-Pierre Mouraux relève, tous les deux ans, une gageure chaque fois réussie : lancer ses confrères médecins sur les planches. Pourquoi, alors, ne pas mettre cette pratique théâtrale au service de la communication entre les acteurs de la santé ? « Nous médecins, nous aimons bien les situations consensuelles ; nous n'avons pas l'habitude de vivre des situations conflictuelles. » Et c'est pour répondre à un jeune confrère qui lui faisait part de sa difficulté à dire « non » à ses patients qu'il eut l'idée de ces séries de sketches.
En partenariat avec la faculté de médecine de Dijon, le Conseil de l'Ordre des médecins et la caisse primaire d'assurance-maladie de Côte-d'Or, soutenus par les Laboratoires Fournier, ont été réalisées deux vidéocassettes qui mettent en situation le médecin face à un patient, informé, assuré de son droit à bénéficier de tous les services médicaux mis à sa disposition. La première vidéo a été un succès, puisqu'elle a reçu le 1er prix du jury au Festival de la communication de Deauville et a été diffusée lors de soirées de FMC ou de rencontres réunissant médecins libéraux, médecins hospitaliers et médecins de l'assurance-maladie, encadrées par des spécialistes de communication des Laboratoires Fournier.
Notre but est « de tendre vers une réponse consensuelle », explique au « Quotidien » le Dr Christophe Corda (chargé des relations institutionnelles, Laboratoires Fournier). Il s'agit d'établir un discours commun vis-à-vis d'un public toujours plus avide de soins et de nouvelles techniques, pas toujours bien comprises mais largement relayées par les médias. L'outil a cependant une vocation essentiellement pédagogique et a permis de mettre en lumière le besoin des médecins de se sensibiliser à la communication.
Informer n'est pas communiquer
Lors de l'avant-première organisée pour présenter les 9 saynètes de la version n° 2, à la faculté de médecine de Dijon, cette problématique information/communication a beaucoup été soulevée. « J'ai le droit de savoir », dit le patient de la première séquence intitulée « Obligation d'information ». Et le médecin d'énumérer tous les risques liés à la pathologie pulmonaire du patient qui se recroqueville, angoissé devant une telle avalanche de catastrophes. « Vous y allez fort, docteur. »« C'est au cas où le tribunal exigerait la preuve que je vous ai bien informé », poursuit le médecin. Le trait est certes forcé, mais il souligne la difficulté du médecin à trouver l'équilibre entre l'insuffisance d'information ou le « trop » d'information. « Il le fait avec son bon sens et sa conviction, mais ce n'est pas évident », constate le Dr Mouraux.
Le témoignage d'un praticien, lors du débat, est à cet égard, significatif : que faire lorsqu'une patiente de 42 ans, aux antécédents familiaux lourds, refuse une coloscopie après avoir eu connaissance des risques qu'elle court ? Bien sûr, le médecin peut s'abriter derrière les décharges, mais cela soulève la question de la qualité de sa communication. En effet, ses réponses dépendront de sa personnalité, de sa culture et de son cursus, face aux demandes d'un patient qui a aussi sa personnalité et son environnement propres. « Moi, en tant que patient, ce que j'attends, c'est que le médecin réponde aux questions explicites que je lui pose et qu'il soit capable de trouver la question implicite que moi je ne suis pas capable de lui poser », fait remarquer un autre intervenant.
Plus généralement, le problème de l'information ou de la surinformation de patients consommateurs de santé, convaincus « qu'ils ont des droits », a été évoqué, au détour de plusieurs saynètes : « J'ai droit à un transport », « J'ai le droit de partir en vacances et de placer ma belle-mère en centre d'accueil », « J'ai droit à un scanner pour ma sciatique ». Autant d'exemples où la demande du patient ne correspond pas toujours à un réel besoin, mais nécessite une réponse adaptée. De même, l'observance, qui reste difficile en dépit des conseils éclairés du médecin qui se sent alors impuissant.
Le doyen de la faculté de médecine de Dijon, le Pr Maurice Giroud, s'est dit très sensible à la qualité pédagogique de cet outil, surtout pour les futurs praticiens : « Il a sa place dans l'encadrement des étudiants du 3e cycle et maintenant du 2e cycle, car il répond à beaucoup des objectifs du module sur la pratique médicale mis en place par la nouvelle réforme. » L'idée est d'aller vers plus de qualité dans les pratiques des professionnels de santé.
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