Le texte législatif adopté par les parlementaires l’été dernier semblait a priori réunir un large consensus, du moins sur le diagnostic du système de santé ayant conduit l’État à légiférer. Tout le monde s’accorde pour dire que cette loi est structurante et nécessaire : « Il faut faire tomber les cloisons entre les différents acteurs. » Et curieusement, à l’heure où sont discutés les décrets d’applications, l’unité s’effrite. Jean-Louis Touraine, députe PS du Rhône, premier adjoint au maire de Lyon, avance une explication : « Si tout le monde est préoccupé de l’état dans lequel se trouve l’hôpital public en France, de l’inégalité de la répartition des médecins sur le territoire, ou encore du fait qu’il y a des inégalités croissantes de longévité de vie et d’accès aux soins selon l’endroit où l’on habite, les solutions proposées ne répondent pas toujours à ces besoins. Nous avons l’impression que ces réformes ont été faites essentiellement pour générer des économies. » Les agences régionales de santé (ARS) ne seront-elles qu’un instrument de régulation des dépenses, voire le bras armé régional d’une politique nationale coercitive ? Certains vont même jusqu’à parler, non pas de régionalisation de la santé, mais de politique décentralisée de l’État en région. Pour Alain Coulomb, ancien directeur de la Haute Autorité de santé (HAS), des actions d’économie sont pourtant nécessaires : « Le coût de la non-qualité représente 13 à 15 % du chiffre d’affaires du système de santé. »
Prévention
L’organisation de la santé en silo est terminée. La répartition floue des pouvoirs doit cesser. « Il y a un manque de visibilité globale, y compris pour le patient », note Alain Coulomb dénonçant un système par ailleurs trop orienté vers le curatif. Demain, près de 70 % des pathologies seront chroniques. Comment peut-on dès lors imaginer conserver des structures de production de soins, alors même que les techniques de soins et la typologie des patients évoluent ? Il faut donc, d’une façon générale, prendre davantage en compte le patient et ses aspirations. Bernard Minne, président de l’ordre régional des pharmaciens en Rhône-Alpes se félicite, à ce titre, de la place accordée aux officines dans la loi HPST : « La loi a permis de reconnaître le rôle du pharmacien d’officine dans le code de la santé publique. » Huit missions sont listées dans ce code, dont l’éducation thérapeutique du patient, ou encore le rôle du pharmacien correspondant. Sylvie Négrier, directrice générale du centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard, en appelle également à davantage de prévention : « La politique de prévention en France est insuffisante. Les financements de la santé ont seulement été doublés en vingt ans, alors que ceux pour le curatif ont été multipliés par dix. »
Organisation
Au cœur de l’hôpital, les orientations données à la nouvelle gouvernance et le rôle conféré au directeur d’établissement suscitent également le débat. Si pour Olivier Claris, président de la commission médicale d’établissement (CME) des hospices civils de Lyon, il faut un leader pour diriger l’hôpital, la communauté médicale a un rôle majeur à tenir : informer le directeur des évolutions à porter et des innovations techniques nécessaires. « Si cela se fait dans une coopération réelle, dans le respect des uns et des autres, il n’y aura que peu de modifications par rapport à ce qui se passe actuellement », souligne-t-il. Voilà une façon à peine voilée de réclamer une direction modérée. Jean-Louis Touraine déplore quant à lui le retrait partiel du maire dans la gouvernance des établissements publics de santé, avec la disparition du conseil d’administration qu’il présidait. Hors les murs, les médecins s’interrogent sur leur avenir. Pour Georges Granet, président de l’ordre régional des médecins de la région Rhône-Alpes, il faut que les conditions d’exercice s’améliorent : « Nos jeunes confrères sont prêts à participer au fonctionnement du système de santé, à condition que celui-ci leur propose des modes d’exercice compatibles avec les standards actuels de la vie ». Les contraintes d’installation prévues dans la loi ne sont pas – loin s’en faut – de nature à plaire au corps médical. Prévention et négociation seront-elles les clefs de la réussite de la réforme, comme l’entrevoient de nombreux acteurs ? Les ARS devront se montrer aussi fermes qu’habiles et diplomates.
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