DE NOTRE CORRESPONDANTE
DANS LE SILLAGE d'autres conseils régionaux, comme celui de la Picardie au début de 2006 et plus récemment ceux de Bourgogne et d'Aquitaine, la région Rhône-Alpes a décidé d'apporter une première pierre à la « réhabilitation » de l'édifice médecine générale. En 2006, ce sont 600 postes de généralistes qui sont restés vacants sur le territoire rhônalpin. Aussi, pour ralentir les inégalités d'accès aux soins qui se dessinent, la région a élaboré, en collaboration avec les facultés de médecine de Lyon, Grenoble et Saint-Etienne, un dispositif incitant les étudiants à découvrir puis à choisir la médecine générale dans les zones déficitaires.
Pour identifier ces zones, dont la définition fait toujours l'objet d'un différend entre la mission régionale de santé (MRS), qui recense «45zones déficitaires», et l'union régionale des médecins libéraux (Urml), qui comptabilise «190bassins à risque», la région s'est fondée sur un document rédigé par les responsables des collèges d'enseignants de médecine générale. «La première mesure et la plus importante à court terme sera d'attribuer des bourses aux internes de médecine générale qui envisageront d'effectuer des stages dans les zones rurales, dès le 1ermai prochain», indique Thierry Philip, vice-président délégué à la santé et aux sports. D'un montant de 400 euros par mois, cumulable avec les aides des conseils généraux, «ces bourses sont justifiées par le fait que les internes ont en moyenne 27 ou 28ans, sont parfois mariés, ont un enfant, un appartement dans une ville de facultés et qu'ils engagent vraiment des frais supplémentaires pour ces stages», précise-t-il. Le conseil régional, qui prévoit 120 bourses de ce type par an, laissera aux professeurs de médecine générale le soin d'évaluer l'efficacité ou non de cette mesure. La deuxième sera de financer la formation des généralistes qui souhaitent devenir maîtres de stage, via les facultés et à hauteur de 30 000 euros, d'ici au 1er novembre prochain. Dernière initiative : six bourses d'installation vont être proposées dès cette année, correspondant à 12 000 euros accordés dans le cadre d'un contrat (6 000 euros à la signature et 6 000 euros le jour de l'installation). En contrepartie, le médecin s'engagera à rester six ans sur place ou devra rembourser. Le conseil régional envisage une éventuelle «montée en charge» si ce dernier dispositif porte ses fruits. Tout en restant prudent car, comme le souligne son vice-président, «nous voulons éviter l'effet d'aubaine et financer ceux qui ont déjà décidé de s'installer en zone rurale». Enfin, la région va favoriser la création de « Maisons de santé », à hauteur de 100 000 euros dans les territoires ruraux et de 200 000 euros dans les quartiers sensibles. Priorité sera donnée aux projets visant les zones de montagne, notamment les stations de ski et les quartiers dits politique de la ville.
Une clef, mais pas la panacée.
Pour le Dr Xavier Lainé, président du collège lyonnais des enseignants de médecine générale, la bourse de 400 euros et l'aide à l'installation constituent «une clef supplémentaire pour que les étudiants choisissent la médecine générale». Toutefois, ce médecin estime que le trousseau est loin d'être suffisant «pour résoudre le problème posé». Le Dr Marie-France Legoaziou, coordinatrice du diplôme spécial au niveau de la région, va plus loin : «Le problème est celui d'une mauvaise distribution et non d'une pénurie de généralistes. Les internes actuels veulent avoir l'assurance de revenus fixes –ce qui implique de revoir le paiement à l'acte– et avoir des conditions de vie acceptables. Donc, il faut créer des Maisons de santé dans des lieux où ils aient la possibilité que leur conjoint travaille et que leurs enfants soient scolarisés ou gardés. Par conséquent, ces aides ne sont qu'un premier pas.» Du côté de l'Urml qui, le 13 mars dernier, avait réuni des internes, généralistes et politiques pour débattre de la démographie médicale, cette «prise de conscience des difficultés en Rhône-Alpes» est jugée très positive. Toutes les mesures adoptées sont accueillies favorablement, sauf celle qui concerne les aides à l'installation ; elle laisse «sceptique» la présidente de la section généraliste de l'union. «Les choix d'installation ne sont pas liés à des questions d'argent», observe le Dr Nicole Bez, qui rappelle, à cet égard, les résultats d'une récente étude de l'Irdes (1). «Même si certains jeunes médecins acceptent, ils remboursent très vite lorsque les conditions de vie ne sont pas adéquates.» Lors du dernier débat organisé par l'Urml en Rhône-Alpes, les internes ont d'ailleurs clairement dit qu'ils restaient attachés à leur liberté d'installation.
(1) « Comment améliorer la répartition géographique des professionnels de santé », n° 1635, juin 2006.
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