LE PROJET DE LOI sur la réforme des tutelles, élaboré conjointement par la chancellerie et le ministère délégué chargé de la Famille et des Personnes handicapées, est actuellement examiné par le Conseil d'Etat. Le Conseil économique et social (CES) s'est autosaisi et son avis est discuté aujourd'hui en assemblée plénière. Conformément aux vœux du président de la République et aux engagements gouvernementaux, le projet devrait être présenté en Conseil des ministres dans le courant de l'automne et débattu avant la fin de la législature, viennent de réaffirmer Pascal Clément (Justice) et Philippe Bas (Handicapés, Famille) alors que les associations s'impatientent.
L'objectif est de recentrer les mesures de tutelle et de curatelle sur les seules personnes « réellement atteintes d'une altération médicale de leurs facultés personnelles ». Les situations de précarité et d'exclusion sociale, qui ne relèvent pas de la protection juridique, seront prises en charge grâce à des dispositions d'aide et d'accompagnement social, mises en œuvre par les départements et créées par le législateur. Le projet Clément-Bas consacre « la protection de la personne elle-même et non plus seulement la protection de son patrimoine ». Il impose une meilleure prise en compte des droits et de la volonté de l'homme ou de la femme à protéger, ainsi que de l'opinion de sa famille et de ses proches.
Préciser ou compléter des dispositions juridiques.
Dans son projet d'avis, le Conseil économique et social approuve et soutient les principales mesures ; cependant, il formule des recommandations tant sur certaines dispositions du système de protection juridique des majeurs que sur ses conditions d'application.
Sur le plan juridique, le CES émet huit propositions : améliorer des étapes du « processus décisionnel », affirmer les droits des personnes protégées, envisager l'intervention de l'avocat dans la procédure, maintenir la sauvegarde de justice par déclaration médicale, remédier aux difficultés d'application du mandat de protection future, délimiter raisonnablement le champ de la responsabilité des organes tutélaires et encadrer l'activité exercée par les préposés des établissements hébergeant des majeurs.
Il suggère de privilégier l'accompagnement social, en ciblant les publics visés par la mesure d'assistance judiciaire et en associant le majeur à la mise en œuvre de cette mesure.
Au chapitre financier, le CES juge qu'il faut « entourer de garanties le recours sur l'actif successoral » et « réévaluer le calcul de l'abattement budgétaire pour les majeurs en établissement ».
En ce qui concerne les conditions d'application de la réforme, le CES met l'accent sur quatre points. Tout d'abord, il faut, selon lui, accompagner les dispositions législatives « d'un important volet réglementaire » et « adapter les moyens des services de l'Etat et de la justice en termes de personnel ». Il lui semble indispensable de « favoriser le partenariat, nécessaire, des services tutélaires avec les services sanitaires, sociaux et médico-sociaux ». Et il faut « épauler financièrement » les départements, chargés de la mise en œuvre de la protection.
Plus de 700 000 personnes.
Actuellement, ce sont plus de 700 000 personnes qui sont placées sous un régime de protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle), pour un coût annuel de 517 millions d'euros. Ce nombre important, qui ne cesse d'augmenter (+ 8 % l'an), s'explique en grande partie par l'allongement de l'espérance de vie. Or on compte seulement 80 juges de tutelle en équivalent temps-plein. De leur côté, les gérants de tutelle n'ont ni statut ni rémunération clairement définis, les tribunaux sont débordés, les psychiatres et les gérontologues chargés d'évaluer l'état mental de la personne sont en nombre insuffisant et les magistrats ne peuvent pas contrôler efficacement la gestion des comptes. Et surtout, les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité, posés par la loi du 3 janvier 1968, sont rarement respectés.
Il s'ensuit des cas de maltraitance et des abus tutélaires, auxquels la réforme très attendue devrait mettre fin. Directement inspiré des expériences conduites avec succès au Québec et en Allemagne, le nouveau « mandat de protection future », porté par le projet de loi, permettra de prévoir, dans le respect de la personne, l'organisation de la tutelle. Sous la forme d'un mandat notarié, il offrira un champ juridique très étendu puisqu'il couvrira « les actes de disposition du patrimoine sous le contrôle du notaire ».
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