A l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation sociale par l'Assemblée nationale, le 22 mai, le gouvernement va déposer plusieurs amendements portant sur la médecine du travail. L'un d'eux change la dénomination des « services médicaux du travail » en « services de santé au travail ».
En raison de la directive européenne du 12 juin 1989, la France est tenue en effet de transposer en droit français le principe d'un recours obligatoire à des expertises autres que médicales dans les services de prévention des risques professionnels en entreprise. Cette approche « pluridisciplinaire » de la santé au travail était contenue aussi dans l'accord signé fin 2000 par les partenaires sociaux. Cet amendement vise en quelque sorte à officialiser dans la loi la perte du monopole des médecins sur la santé au travail.
Comme l'annonçait déjà une note de cadrage du ministère de l'Emploi et de la Solidarité à l'intention des partenaires sociaux (« le Quotidien » du 21 février), le gouvernement entend, une fois de plus, régulariser la situation, après formation, de praticiens non spécialistes employés comme médecins du travail. L'un de ses amendements instaure aussi un dispositif de reconversion de médecins généralistes vers la médecine du travail et la médecine de prévention après cinq ans d'exercice, moyennant une formation spécifique indemnisée de deux ans et un contrôle des connaissances. Avec le concours d'internat classique et le concours d'internat européen, il y aurait donc une troisième voie d'accès à la médecine du travail.
Surtout, le gouvernement applique l'un des axes de la note de cadrage relatif à l'indépendance des médecins du travail. Un autre amendement prévoit de sanctionner « quiconque aura porté ou tenté de porter atteinte à l'exercice régulier des fonctions de médecin du travail ». Un employeur pourrait encourir une peine d'un an de prison et/ou une amende de 25 000 F. « En cas de récidive, l'emprisonnement pourra être porté à deux ans et l'amende à 50 000 F », précise le projet d'amendement gouvernemental.
En outre, cet amendement encadre plus strictement le licenciement de médecins du travail. D'une part, il oblige l'employeur à soumettre pour avis tout projet de licenciement au comité d'entreprise ou à la commission de contrôle du service interentreprises. D'autre part, « le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail (...), après avis du médecin inspecteur régional du travail ». Toutefois, en cas de faute grave, l'amendement permet à l'employeur de prononcer une « mise à pied immédiate » du médecin du travail en attendant l'autorisation de licenciement.
Le rapport alarmant remis récemment au ministère de l'Emploi et de la Solidarité par un groupe de médecins inspecteurs régionaux du travail et de la main d'œuvre (MIRTMO) n'est sans doute pas étranger à l'élaboration de cet amendement par le gouvernement. Ce rapport confidentiel, dont certains extraits ont été révélés par la revue « Santé & Travail » de la Mutualité française, évoque les pressions multiformes exercées sur les médecins du travail, dans les services autonomes comme dans les services interentreprises, gérés par le patronat. « Si la plupart des pressions s'avèrent surmontables par la majorité des médecins, leur répétitivité ou leur subtilité sont parfois redoutables pour leur indépendance », affirme ce rapport. Les pressions consistent à entraver les visites des praticiens sur le lieu de travail, leur participation aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ou les réunions entre confrères... Les pressions peuvent être individuelles : « affectation au secteur le plus éloigné, locaux mal équipés, secrétariat insuffisant», ou encore refus de formation, de primes ou de congés. Au nom de la défense des intérêts de l'entreprise (employant le praticien ou adhérant au service interentreprises), les pressions peuvent être directes à l'occasion de déclarations de maladies professionnelles ou d'inaptitudes.
Il est probable, cependant, que les amendements du gouvernement seront jugés insuffisants par les professionnels qui attendaient une plus ample réforme de leur statut.
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