L ES syndicats de médecins du travail sont divisés à propos de la réforme, de leurs services et de leur statut, que le gouvernement vient d'introduire sous forme d'amendements dans le projet de loi de modernisation sociale.
Ces amendements (voir ci-contre), examinés aujourd'hui par les députés, satisfont en tout cas le Dr Bernard Salengro, président du Syndicat général des médecins du travail (SGMT, affilié à la confédération des cadres CFE-CGC). « Nous retrouvons dans ces amendements des mesures que nous avions demandées, à savoir une indépendance renforcée pour les médecins du travail, la création d'un délit d'entrave à l'exercice de leurs fonctions et leur licenciement éventuel conditionné par une autorisation de l'inspection du travail, explique le Dr Salengro. Le gouvernement va plus loin que ce qui était proposé par les partenaires sociaux dans leur accord sur la santé au travail, ce qui est une excellente chose. »
Vu le « goulot d'étranglement » que constitue l'internat en médecine du travail, le président du SGMT se montre favorable aux solutions transitoires proposées par le gouvernement pour faire face au déficit démographique dans cette spécialité (au moins 520 postes équivalents temps plein sont à pourvoir, sur un effectif total de 6 500). Si la régularisation de médecins du travail sans diplôme requis relève du « bricolage », selon le Dr Salengro, elle est malgré tout « acceptable avec la validation des enseignants universitaires », tout comme la nouvelle formation indemnisée destinée aux généralistes désireux de s'orienter définitivement vers la médecine du travail. Le concours d'internat européen permet déjà une telle reconversion après au moins trois ans d'activité, mais « il ne remplit pas ses postes, car qui nourrit ces gens-là pendant cette formation ? », interroge le Dr Salengro.
D'autres propositions
En revanche, la réforme envisagée par le gouvernement ne convient pas du tout au collectif « Pour une autre médecine du travail », composé d'organisations et d'associations qui étaient déjà hostiles à l'accord sur la santé au travail signé en décembre 2000 par les partenaires sociaux (Syndicat national des professionnels des médecins du travail [SNPMT], Association santé et médecine du travail, Fédération des mutuelles de France, Union syndicale SOLIDAIRES ou « Groupe des Dix », UGICT-CGT, etc.).
Le collectif, qui souhaite une « véritable réforme » faisant l'objet d'un « vrai débat au Parlement », refuse en bloc les amendements gouvernementaux. Il propose des mesures alternatives, notamment l'obligation, pour l'employeur, de « prendre en considération » les mesures préventives proposées par le médecin du travail. « Car, actuellement, dans les petites entreprises sans représentants du personnel, l'employeur peut ne pas tenir compte de l'avis du médecin du travail », précise le Dr Jean-Paul Duléry, secrétaire national du SNPMT. Le collectif réclame à la fois une reconnaissance quasi automatique des maladies professionnelles et « une indemnisation de tout préjudice à caractère personnel subi » pour les victimes d'accident du travail et de maladies professionnelles, ainsi que leurs ayants droit. Bien que le patronat reste l'unique financeur, le collectif revendique pour les salariés la majorité de gestion des services de médecine du travail interentreprises.
En lieu et place de la pluridisciplinarité, le collectif prône enfin une nette distinction entre les services médicaux du travail et des « services de santé au travail » regroupant exclusivement des spécialistes non médecins et indépendants.
Un contrôle insuffisant dans les services interentreprises
Les enquêtes dénonçant les lacunes et les carences dans l'organisation de la médecine du travail se succèdent. Après l'étude récemment remise au gouvernement, s'alarmant des pressions exercées sur les médecins du travail (« le Quotidien » du 14 mai), une autre enquête, menée par la direction régionale du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle d'Ile-de-France, s'inquiète de l'insuffisance du contrôle des services interentreprises de médecine du travail.
L'étude dénonce notamment les dysfonctionnements des instances de contrôle chargées de veiller au bon fonctionnement de ces services qui couvrent plus de 90 % des salariés du secteur privé.
Les auteurs notent que des services interentreprises n'ont pas de commission de contrôle et que 68 % seulement des sièges destinés aux représentants des salariés dans ces structures sont pourvus. Dans la plupart des cas, ces dysfonctionnements ne peuvent être assimilés à des infractions au code du travail : ils résultent plutôt, selon l'enquête, d'une « inertie acceptée par l'ensemble des partenaires ». Une situation d'autant plus déplorable que « le bon fonctionnement des commissions de contrôle est une condition essentielle pour permettre l'exercice du métier de médecin du travail en toute indépendance ». Pour améliorer la surveillance du fonctionnement des services interentreprises, les auteurs de l'étude suggèrent de renforcer le cadre juridique des commissions de contrôle, de donner un statut aux représentants des salariés dans ces instances, mais aussi de développer leurs pouvoirs en instaurant un « délit d'entrave à l'indépendance du médecin du travail ».
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