La réforme de la médecine du travail, incluse dans la loi du 17 janvier 2002 sur la modernisation sociale, est « désormais sur les rails », a assuré Elisabeth Guigou devant le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.
Cette réforme contient notamment le renforcement de l'indépendance des médecins du travail et la transformation des services médicaux du travail en services pluridisciplinaires faisant intervenir divers experts. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité n'a pas caché que cette réforme nécessitait « un grand chantier réglementaire ».
« Je souhaite que le premier train de mesures réglementaires porte sur le fonctionnement des services et que nous prenions le temps de la réflexion sur (la) notion de temps médical (1) », a-t-elle déclaré.
Signe d'apaisement
L'accord du 13 septembre signé par les partenaires sociaux (à l'initiative du Medef) prévoyait que la périodicité de la visite médicale passerait de 12 à 24 mois pour les salariés non soumis à une surveillance renforcée. Cependant, Elisabeth Guigou estime que le temps médical doit tenir compte de l'accord récent sur la réduction du temps de travail dans les services interentreprises et permettre un rééquilibrage au profit du « tiers-temps » (temps passé dans les entreprises à l'étude ou au contôle des conditions de travail).
La ministre juge, en outre, « indispensable » la poursuite de la discussion sur la suppression ou le maintien de la notion d'aptitude médicale à un poste, car, « à travers celle-ci, ce sont les missions elles-mêmes des médecins du travail qui sont en débat ».
De cette manière, Elisabeth Guigou entend donner un signe d'apaisement, alors que le syndicat majoritaire des médecins du travail (SNPMT) a déposé un recours au Conseil d'Etat contre le décret du 1er février 2001 qui demande aux médecins du travail un avis de non-contre-indication lorsque le salarié est exposé à des produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction.
Par ailleurs, la ministre a évoqué les deux mesures prévues par la loi de modernisation sociale pour pallier la pénurie de médecins du travail, c'est-à-dire la régularisation, sous conditions, de médecins non spécialistes employés illégalement par des services médicaux du travail, et la reconversion de médecins de ville volontaires à la médecine du travail (jusqu'au 17 janvier 2007). La ministre de l'Emploi et de la Solidarité a souligné le « caractère exceptionnel » de ces deux mesures qui « n'ont pas vocation à se substituer aux mécanismes normaux des spécialistes que sont les médecins du travail », à savoir l'internat classique et l'internat européen. Elisabeth Guigou a mis l'accent sur la nécessité, pour les médecins concernés, de suivre une formation « de qualité » et « sanctionnée par des épreuves ». Selon la ministre, les décrets qui préciseront les modalités des deux dispositifs seront prêts « rapidement » et permettront leur mise en place « pour la rentrée universitaire ».
Renforcement des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail
La ministre de l'Emploi et de la Solidarité a donné enfin plusieurs pistes pour l'avenir, concernant notamment les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), où siègent les médecins du travail au côté des représentants du personnel et du chef d'établissement. « Après la catastrophe de Toulouse et vingt ans après la loi de décembre 1982 créant les CHSCT, il est nécessaire de réfléchir aux évolutions nécessaires de cette institution », affirme Elisabeth Guigou.
Dans le volet social du projet de loi sur la maîtrise des risques industriels (qui ne sera pas examiné avant l'automne), les compétences des CHSCT sont étendues dans les établissements à hauts risques classés Seveso. Cependant, la ministre envisage « une réflexion plus globale sur les missions et moyens des CHSCT dans l'ensemble des entreprises ».
D'ores et déjà, le champ de compétence des CHSCT vient d'être élargi à la santé mentale, puisque la loi de modernisation sociale interdit désormais le harcèlement moral au travail.
S'appuyant sur le rapport du Pr Masse de juin 2001, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité considère qu'il faut entièrement revoir le système de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, en posant le principe d'une « réparation intégrale ». Un groupe de travail, animé par Michel Yahiel (qui a récemment remis un rapport sur les soins dentaires), doit lui présenter ses conclusions à ce sujet à la fin du mois de mars. L'amélioration du système de réparation constitue, selon elle, « l'une des grandes réformes de la prochaine législature », dans l'hypothèse d'un maintien de la majorité actuelle.
Quant au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (créé en décembre 2000, mais toujours virtuel), il devrait enfin commencer son activité, puisque son premier conseil d'administration « sera installé très prochainement », a assuré Elisabeth Guigou.
En revanche, la ministre n'a rien promis au sujet des éthers de glycol, dont un collectif de syndicats et d'associations souhaite l'interdiction dans les entreprises. En l'absence de nouvelles données scientifiques validées par les experts, Elisabeth Guigou estime que « les mesures réglementaires prises n'ont pas lieu d'être modifiées pour l'instant ».
(1) Le temps médical varie entre quinze minutes et deux heures par an et par salarié. Il est fixé en fonction du nombre de salariés de l'entreprise et du secteur d'activité. Si le temps médical équivaut à un emploi à plein temps pour le médecin du travail, l'entreprise doit avoir son service autonome de médecine du travail au lieu de recourir à un service interentreprises.
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