Le chemin parcouru en quinze mois par le gouvernement Raffarin était semé d'obstacles, mais il s'est engagé résolument dans la résolution de problèmes qui, juste avant les élections, devenaient explosifs. Par exemple, la sécurité.
S'il semble affaibli aujourd'hui, ce n'est pas seulement parce qu'il a commis quelques erreurs - la Corse, la canicule - ni parce qu'il a été confronté à une série de frondes corporatistes - les enseignants, les intermittents du spectacle, les fonctionnaires -, dont la virulence n'était pas exempte d'arrière-pensées politiques. C'est surtout parce que la crise économique sape l'autorité publique et, plus grave encore, l'empêche de réformer.
La France, qui affiche 4 % de déficit public pour 2003, soit le taux européen le plus élevé, ne dispose plus d'une marge de manuvre qui lui permette de redresser la barre. En réalité, le gouvernement ne peut atténuer les effets de la crise que s'il peut donner un bol d'oxygène aux entreprises par la réduction des charges et relancer la consommation par la diminution des prélèvements obligatoires. Mais le marasme économique l'aura pris de vitesse.
Le niveau du déficit en témoigne. Il résulte du ralentissement, bien sûr, mais aussi de la volonté de M. Chirac de diminuer l'impôt sur le revenu. La logique keynésienne du président n'est pas en défaut : la fiscalité est le premier instrument d'une politique économique et la rigueur est unanimement déconseillée en période de faible activité économique ; cependant, les déficits publics résultent naturellement d'une diminution des recettes fiscales en période de crise. La seule faculté du gouvernement consiste à ne pas ajuster les dépenses aux recettes, et à tolérer le déficit. Accroître ce déficit par une téméraire réduction des impôts est beaucoup plus risqué.
Ce qui guide M. Raffarin, c'est le désir de créer un contexte propice à la création d'emplois, sinon à la résorption du chômage. Mais il se heurte aux éléments psychologiques qui sous-tendent l'économie : le consommateur limite ses dépenses parce que l'avenir lui paraît incertain, et le chômage se nourrit des annonces mensuelles du taux de chômage. Le gouvernement ne parvient pas à rétablir la confiance parce que les mesures qu'il adopte n'ont des effets qu'à long terme, alors que la réalité quotidienne, c'est la perte d'emplois. C'est une course contre la montre perdue avant qu'elle ait commencé. Et la seule vraie solution, c'est le retour de la croissance.
Elle réduirait à néant les efforts de l'extrême gauche pour déstabiliser le pays ; elle atténuerait les déficits ; elle rassurerait la population, surtout si le taux de chômage diminue. Et elle offrirait alors un boulevard aux réformes. Pour une raison simple : toute réforme, par exemple celle des retraites, implique des sacrifices ; comment les faire quand on est déjà appauvri par la perte d'un emploi ou par une rémunération insuffisante de son travail ? En revanche, pourquoi refuser une modernisation du système susceptible de prolonger une période de prospérité ?
Gagner du temps
Politiquement, Jean-Pierre Raffarin a fort bien saisi cette contradiction entre sa volonté réformiste et un contexte peu favorable à la réforme. C'est pourquoi il cherche à gagner du temps, c'est pourquoi la réforme de l'assurance-maladie sera étalée sur deux ans. Le Premier ministre espère un rebond de l'économie européenne et française en 2004. Il se peut qu'une telle reprise ne suffise pas à combler les déficits et à calmer les ardeurs syndicales. Mais si l'espoir renaît, les réformes seront plus acceptables. En attendant, les déficits augmenteront, hélas, la dette nationale.
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