LA DIFFUSION sur Internet d'une «version intermédiaire et non validée» du projet de loi Patients, santé et territoires – au moment même où le texte était encore remanié en réunion interministérielle – a suscité un peu d'affolement avenue Duquesne vendredi dernier.
Résultat : le ministère de la Santé a décidé pendant le week-end d'annuler les trois réunions multilatérales de concertation prévues cette semaine. Dans un contexte d'agenda mouvant, les téléphones mobiles ont donc chauffé en début de semaine pour avertir à temps les personnes concernées, en l'occurrence : les partenaires sociaux (patronat et syndicats de salariés, qui auraient dû être reçus hier), les représentants des praticiens hospitaliers (attendus initialement aujourd'hui) et les associations de patients et d'usagers (réunion programmée demain). «J'avais fait annuler des consultations, regrette le Dr Pierre Faraggi, président de la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH). En plus, cela se répète un peu puisqu'une réunion avait été déjà annulée en juillet. On accepte de secondariser ces problèmes au regard des enjeux du projet de loi.» Il reste que le Dr Farraggi trouve «très irritant» à la longue de subir les tergiversations du ministère au niveau du calendrier.
«Nous n'avons été avertis de l'annulation de la réunion au ministère que dimanche à 17heures», note pour sa part le Dr Rachel Bocher. La présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) poursuit : «Ce report signifie-t-il que le gouvernement veut revoir sa copie? On l'espère fortement car, pour l'hôpital, le projet est catastrophique. Il installe la précarité pour les médecins hospitaliers, pour les personnels soignants, mais aussi pour les directeurs qui peuvent être révocables immédiatement.»
Le prix à payer.
Dans l'entourage de Roselyne Bachelot, on assure que ces aléas sont le prix à payer en vue d'une phase de concertation plus approfondie et mieux éclairée. En effet, toutes les organisations syndicales concernées doivent recevoir ce matin même une version actualisée et «consolidée» du projet de loi, tel qu'il a été déposé hier soir au Conseil d'État. Ce texte, fruit d'arbitrages avec Matignon à l'issue de deux réunions interministérielles (vendredi dernier et hier) contiendrait 35 articles au lieu de 41 auparavant.
Au-delà des 6 articles supprimés, de nombreux articles ont été «réécrits ou retouchés dans tous les titres du projet de loi» (populations et prévention, accès aux soins, hôpital et agences régionales de santé ou ARS), précise-t-on avenue Duquesne. Pour autant, le cabinet de la ministre de la Santé reste ouvert en théorie à d'autres modifications puisqu'il s'apprête à organiser – d'ici à huit ou dix jours – deux semaines d' «entretiens bilatéraux» afin de recueillir les remarques des représentants du monde de la santé sur l'avant-projet de loi, article par article. «Chacun a envie de dire point par point ce qu'il pense du texte», fait-on valoir chez Roselyne Bachelot.
Dans un deuxième temps, «des réunions conclusives» seront organisées à la «fin du mois de septembre» en présence de la ministre. En revanche, la tenue des deux séminaires thématiques envisagés à Lyon et à Nancy entre le 26 et le 29 septembre serait maintenant remise en cause. Aux dernières nouvelles, l'examen du projet de loi en Conseil des ministres serait programmé «début octobre» pour un dépôt au Parlement avant la fin de l'année.
Il est vrai que le temps presse, puisque les fenêtres parlementaires ne sont pas légion en cette période de fin d'année, marquée notamment par l'examen du budget de l'État pluriannuel (2009-2011), le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2009) et les projets de lois organiques qui doivent mettre en musique la réforme des institutions adoptée cet été. Dans ces conditions, l'allongement de la phase de concertation autour de la future loi Bachelot ne serait qu'une façade qui cache autre chose aux yeux de maints syndicalistes. «Il y a des tiraillements internes au gouvernement!», observe-t-on à Force Ouvrière. «Ces retards montrent que le gouvernement est très indécis et que des arbitrages sur des orientations politiques (du texte) sont en cours», analyse aussi Michel Chassang, à la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF).
Entre l'approche élyséenne, qui met l'accent sur la nouvelle carte hospitalière, et la ligne Bachelot, favorable à une réforme d'ensemble, le Collectif interassociation sur la santé (CISS) choisit nettement la seconde. Dans un communiqué, ce collectif d'associations de patients et d'usagers a rappelé qu'il serait vigilant au maintien d'une «approche globale» afin que la réforme «porte à la fois sur l'offre de soins ambulatoire et hospitalière, et sur la régionalisation de l'organisation de la santé». La réduction du nombre d'articles du projet de loi inquiète aussi le président de MG-France. «Si l'on fait court, on ampute; je voudrais que le gouvernement fasse vite sur le projet de loi sans l'amputer», confie Martial Olivier-Koehret.
Si le ministère de la Santé a dû réviser à la baisse le nombre d'articles du texte et intégrer l'ensemble des exigences du président Sarkozy sur l'hôpital, il aurait tenu bon jusqu'à présent, selon nos informations, sur la conservation des quatre titres et donc le maintien d'une réforme d'ensemble du système de soins. Une incertitude demeure toutefois quant à l'éventuel recours aux ordonnances, «pour certains aspects techniques des ARS»…
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