C'EST L'UN DES NOMBREUX décrets d'application de loi du 9 août 2004 sur la politique de santé publique. Signé par le Premier ministre et le ministre de la Santé, il approuve « le référentiel national des actions de réduction des risques en direction des usagers de drogue » et l'inscrit dans le code de la santé publique.
Comme certains en ont fait la triste expérience et comme l'indique le texte en préambule, il était nécessaire de protéger les professionnels, les membres d'associations et les personnes auxquelles s'adressent ces actions des incriminations d'usage ou d'incitation à l'usage.
Le référentiel rappelle les objectifs sanitaires des actions de réduction des risques : prévenir les infections, en particulier celles liées au partage du matériel d'injection, prévenir aussi les intoxications aiguës et les troubles psychiatriques aigus associés à ces consommations, orienter éventuellement vers les services de soins et améliorer l'état de santé et l'insertion sociale des toxicomanes.
La liste des modalités d'intervention qui suit est assez longue, avec ses 18 items, pour recouvrir la très grande majorité des interventions réalisées, de la distribution de matériel de prévention à l'éducation pour la santé en passant par les conseils personnalisés ou l'intervention dans les lieux publics. Le texte précise que l'information ne doit pas présenter les produits sous un jour favorable et doit rappeler le cadre juridique de l'usage des stupéfiants. Définissant les intervenants agréés, il indique aussi que lorsque des usagers de drogue se font animateurs de prévention, « ils s'interdisent de consommer des stupéfiants illicites pendant ces activités ». L'anonymat des consommateurs et la confidentialité des informations recueillies doivent par ailleurs être garantis.
L'opposition de députés.
La publication de ce texte au « Journal officiel » du 15 avril est d'autant plus bienvenue que la veille, à l'Assemblée, la politique de réduction des risques a été durement critiquée par des députés UMP. « Ce que nous voulons, c'est une France sans drogue », a lancé Christine Boutin lors d'un débat public sur le sujet. Cette politique « instille le renoncement », elle est « le cheval de Troie de la dépénalisation », a estimé Christian Decocq. « Il ne sert à rien de remplacer une dépendance par une autre », a accusé Jean-Paul Garraud, en faisant référence à la substitution par la méthadone ou le Subutex. Ce à quoi le secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie a répondu par des résultats : la réduction des risques a permis une « baisse de trois quarts » de la mortalité par surdose et a fait « quasiment disparaître l'infection à VIH » chez les héroïnomanes.
Xavier Bertrand a annoncé à cette occasion, parce que « la France doit diversifier son offre de soins », le développement « de communautés thérapeutiques et de structures sans substitution ». Les trois premiers centres, pour les toxicomanes qui veulent « mener une vie sans drogue, ni médicament », devraient être mis en place avant la fin de l'année en Guyane, dans l'Hérault et dans le Calvados. « Les dérives autoritaires ou sectaires qui ont pu discréditer ce modèle seront évitées grâce à une charte éthique dont l'application sera étroitement surveillée », a assuré le secrétaire d'Etat.
La substitution
Le Dr Didier Jayle, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), a confirmé à l'AFP l'intérêt des programmes de substitution. « Le Subutex et la méthadone ont permis d'arrêter l'épidémie de sida chez les toxicomanes (qui) représentent désormais moins de 2 % des nouveaux cas de séropositivité », a-t-il indiqué. « La substitution a fait s'effondrer les overdoses, a-t-il ajouté . Elle a permis un premier contact avec les usagers. Deux héroïnomanes sur trois sont traités et la délinquance liée à l'héroïne s'est effondrée. »
Certes, certains toxicomanes utilisent ces produits pour se droguer, mais cela ne concerne pas plus de 3 à 5 % des personnes sous Subutex. « Plus de 95 % ne volent plus, ont une vie normale, ont été sauvés par les traitements de substitution », souligne le Dr Jayle.
On a appris le 15 avril qu'un généraliste de Roubaix avait été suspendu pour trois mois par le Conseil de l'Ordre pour prescriptions excessives de Subutex. Selon le responsable juridique de la Cpam, il a prescrit ce produit et d'autres substances « à des doses létales, ce qui a alimenté un réseau de deal de Subutex, sur le budget de la Sécurité sociale ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature