DOMINIQUE DE VILLEPIN a reconnu qu’il s’agissait d’une mauvaise nouvelle, mais il demande aux Français de ne pas en tirer de conclusion hâtive. Il n’empêche qu’un doute est jeté sur la politique sociale du gouvernement, très vivement contestée par l’opposition. De sorte que l’information elle-même pourrait suffire à diminuer encore la confiance des Français, donc leur consommation, et éroder un peu plus la croissance. C’est un cercle vicieux.
En Allemagne aussi.
Bien que cela ne risque pas de le consoler, le gouvernement aura noté que, en Allemagne, le nombre des chômeurs a repassé la barre des cinq millions. S’agit-il d’un phénomène européen ? Le taux de chômage en France n’a cessé de diminuer depuis neuf mois. En outre, le gouvernement a pris diverses mesures pour l’emploi des jeunes, notamment le contrat nouvelle embauche (CNE) dont il nous a assuré qu’il avait permis la conclusion de dizaines de milliers de contrats de recrutement. Or il y a eu 16 000 chômeurs de plus en janvier que le mois précédent.
Dans l’opposition, on n’est pas loin de faire de la politique sociale du gouvernement la cause du chômage. Et on y salue bruyamment l’échec (au moins temporaire) de Dominique de Villepin.
Il n’en est pas moins vrai que le rebond du nombre des sans-emploi devrait chagriner la gauche : elle n’a cessé d’affirmer que le chômage diminuait à cause des radiations de chômeurs sur les listes des Assedic, puis du départ à la retraite du premier contingent des baby-boomers, mais sûrement pas grâce aux mesures du gouvernement. Si cette explication est valable, comment se fait-il que le chômage ait augmenté le mois dernier ? Inversement, si la diminution du chômage est due à l’action gouvernementale, la hausse de janvier signifie que cette action a rencontré ses limites.
La question nous semble d’autant plus importante que si l’analyse des raisons structurelles du chômage est aussi mauvaise à gauche qu’à droite, si la confusion règne dans les deux camps sur un mal, national et européen, irréductible qu’aucun volontarisme (il n’y a pas plus volontaire que Villepin) ne peut soigner, les Français peuvent se faire du souci pour leur avenir. Certes, peut-être, comme l’affirme le gouvernement, ne s’agit-il que d’un orage passager. Dans ce cas, on veut espérer que la majorité ne va pas s’enorgueillir de bons résultats ultérieurs et que l’opposition ne va pas les dénigrer.
ON SERAIT TENTE DE DIRE QUE DECIDEMMENT CE GOUVERNEMENT N'A PAS DE CHANCE SI LA GRANDE DETRESSE N'ETAIT CELLE DES CHOMEURS
Faillite.
Malheureusement, le plus probable est la faillite de toutes les politiques de l’emploi. Les facteurs démographiques, qui commencent à peine à peser sur le marché de l’emploi, vont nécessairement s’accentuer ; et nous en sommes à compter sur le reflux de la main-d’oeuvre, comme si l’on pouvait raisonnablement s’en réjouir. La société française retournera très lentement au plein emploi, mais au prix de dysfonctionnements graves dans les systèmes de retraite et de santé. Autrement dit, un fléau commencera à peine à s’estomper que nous serons menacés par d’autres.
Ce chômage obstiné, insensible à tous les traitements, accroché au corps social comme une sangsue, détermine en partie notre politique de l’immigration qui, elle non plus, n’est pas rationnelle : nous renvoyons dans leur foyer les immigrés sans papiers et sans ressources ; et pourtant nous savons que dans moins de deux décennies, notre société ne pourra maintenir ses grands équilibres (production, santé et retraite) que si les nouvelles générations de travailleurs sont renforcées par l’immigration. Nicolas Sarkozy (comme, en Allemagne, Gerhard Schröder avant lui) affirme que nous pouvons choisir nos immigrés et ne faire venir que ceux qui pourront, par leur qualification, contribuer à la prospérité nationale. N’est-ce pas un projet illusoire quand on sait que ce sont des personnes sans formation professionnelle qui cherchent le plus souvent à s’installer en France et qui traversent souvent les frontières les mieux gardées ?
Dans l’immédiat, et avant de sélectionner nos immigrés, nous devons mettre au travail deux millions de personnes qui attendent de la société qu’elle leur donne une chance. Il n’est pas impossible que le mauvais résultat de janvier soit isolé et que les mois suivants seront meilleurs. Mais on peut se demander s’il n’est pas temps de mettre au point une politique de l’emploi qui soit consensuelle et engage le gouvernement et l’opposition, les syndicats et le patronat. La question n’est plus de savoir si une méthode est meilleure qu’une autre et si l’inspiration idéologique définit ou non la valeur de la méthode. La question est de savoir si, collectivement, nous n’avons pas une énorme responsabilité à l’endroit des chômeurs ; si les syndicats, en refusant toute flexibilité de l’emploi, n’ont pas contribué à la hausse du chômage ; si les entreprises, qui annoncent des résultats merveilleux pour l’année dernière, n’ont pas oublié le rôle social qu’elles sont censées jouer, si elles ne s’en sont pas cyniquement détournées.
Certes, les fonds de pensions, la dictature des actionnaires, la dévalorisation du travailleur expliquent en partie l’ampleur du fléau. Mais en partie seulement. Et après tout, à ce problème aussi, un gouvernement devrait trouver une solution.
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