LE GROUPE de travail sur les nanosciences était présidé par trois académiciens : Claude Weisbuch, pour la partie nanotechnologie, Philippe Nozières, pour la partie physique, et Robert Corriu, pour la partie chimie. « L'absence de la nanobiologie peut sembler choquante, préviennent-ils. Elle est délibérée, en premier lieu parce qu'aucun des participants à ce rapport n'est compétent, mais surtout parce que la nanobiologie est un monde aux multiples facettes, auquel seuls des biologistes peuvent rendre justice. Certaines applications sont strictement biologiques, par exemple les puces à ADN où l'on dépose sur une puce un réseau de segments types, créant un puissant outil d'analyse parallélisé. » Il faudra donc attendre un prochain rapport pour que soient abordés spécifiquement la nanobiologie.
Une vaste révolution.
Les enjeux de la « nano » sont multiples et à tous les niveaux : scientifiques bien sûr mais aussi économiques, « voire sociétaux dans la mesure où des percées majeures peuvent affecter notre mode de vie », soulignent les académiciens, dont le rapport offre un vaste panorama des nanosciences et des nanotechnologies.
La micro-électronique a conduit au développement de l'informatique et des moyens de communication, rappellent les sages. Les nanotechnologies, en agissant au niveau des atomes et des molécules, vont « probablement bouleverser tout ce que l'on conçoit et fabrique, des vaccins aux ordinateurs et des pneus de voiture aux objets pas encore imaginés ». L'imagination se trouve toutefois devant un mur infranchissable : « La reproduction ou la création d'un être vivant artificiel, même des plus élémentaires, précisent les académiciens, relève de la fiction la plus totale. »
Le rapport fait le point sur les dernières avancées de la nanochimie, de la nanophysique et des nanotechnologies. Il présente les applications actuelles, les perspectives technologiques envisageables et s'interroge sur leurs impacts sociétaux.
A l'heure où la communauté scientifique se mobilise pour réformer le système de recherche français, les académiciens énoncent des recommandations. La révolution des nanosciences doit surmonter deux difficultés structurelles : celle qui est liée à son extrême pluridisciplinarité et celle qui est liée à son évolution très rapide.
Une agence de moyens.
Pour les nanosciences, l'évolution se compte à l'échelle du mois, voire moins, expliquent les auteurs, « alors que l'unité de gestion française est l'année, dans le meilleur des cas. Si l'on se plie à ce carcan, la France sera toujours en retard d'un métro ». Selon eux, il est donc « essentiel » de créer une Agence nationale des nanosciences et des nanotechnologies (A3N), destinée à évaluer, coordonner et financer les travaux des différents laboratoires impliqués. Il s'agirait d'une agence de moyens autonome, disposant de financements (publics) dans la durée, sur une échelle de cinq à dix ans. « La nouveauté est qu'elle ne doit pas déboucher sur une structure pérenne, avec son personnel, son administration, suggèrent les académiciens. L'A3N est simplement une agence de moyens qui coiffe l'activité scientifique sans se substituer aux laboratoires existants ».
Le vaste chantier de la « nano » nécessite, selon les deux académies, de lancer un programme interministériel (Recherche, Santé, Industrie, Agriculture, Environnement) pour « assurer à la France une position de premier plan dans ce domaine ». Les académiciens ne sont pas favorables, pour autant, à de très gros investissements en équipements lourds : « Les besoins en infrastructures nouvelles concernent en priorité des centres délocalisés de taille intermédiaire pouvant offrir aux équipes l'accès facile à un atelier de nano ou de microfabrication adapté à leurs besoins. » Les universités et les établissements d'enseignement supérieur devraient ainsi être dotées en équipements mi-lourds.
Par ailleurs, les académiciens sont favorables à l'octroi d' « une part significative des crédits contractuels au financement de projets ouverts, à l'initiative des proposants, de manière à encourager l'inventivité des acteurs ».
Ils souhaitent également favoriser les regroupements d'équipes interdisciplinaires, au sein d'instituts fédératifs. Selon eux, le fait de mélanger artificiellement des communautés qui ont chacune sa culture risquerait de ne pas être fructueux : « Il vaut mieux leur apprendre à se parler, à s'écouter et à se comprendre. » Le rapport suggère diverses évolutions, de la maîtrise au DEA, pour sensibiliser les étudiants aux nanosciences et nanotechnologies « ainsi qu'aux outils modernes d'élaboration et de mesure ».
Les académiciens estiment qu'un effort de prospective, associant scientifiques, technologues, représentants des ministères et industriels, est nécessaire : « Les nanosciences représentent aujourd'hui une aventure et un enjeu comparable à la naissance des semi-conducteurs dans les années 1950, ou du laser dans les années 1960. » Mais pour être dans la course, les investissements sont nécessaires. Et il ne s'agit pas de se comparer aux Etats-Unis ou au Japon : les Pays-Bas sont actuellement à la pointe des nanosciences au niveau mondial.
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