LA COURSE à la mise au point du vaccin universel contre les virus influenza a été marquée le 3 janvier 2008 par l'annonce par le laboratoire britannique Acambis des résultats d'étude de la phase I de son vaccin ACAM-FLU-A chez 79 volontaires sains. L'approche vaccinale, fondée sur l'utilisation de la protéine M2e, n'est pas nouvelle. Dès 2001, des travaux in vitro puis chez des animaux ont testé le potentiel immunogène de l'ectodomaine de ce peptide impliqué dans des canaux à protons de la membrane basale du virus. L'idée des chercheurs était d'utiliser, à la place de la neuraminidase et de l'hémagglutinine – protéines fortement immunogènes, mais très variables d'une année sur l'autre –, un antigène conservé dans quasiment toutes les souches de virus influenza A depuis 1933. La protéine M2e est longue de 23 acides aminés. Elle induit une réponse immunogène faible lorsqu'elle est utilisée seule. Mais lorsqu'elle est associée à un adjuvant ou à une autre protéine, elle permet d'induire un forte réponse antigénique et protège l'animal mis en contact avec le virus influenza A.
En avril 2006, un article signé du Dr Gerhard dans la revue « Emerging Infectious Diseases » du CDC faisait le point sur les pistes possibles pour la mise au point d'un vaccin universel. Il soulignait l'intérêt de l'approche par la protéine M2e, mais précisait aussi que d'autres pistes étaient en cours de validation : la région HA2 de l'hémagglutinine et certaines protéines transmembranaires, telles que BM2 et NB2. Différentes stratégies vaccinales utilisant la protéine M2e ont été mises au point : virus recombinants exprimant M2, protéines recombinantes, ADN plasmidique codant pour M2 et peptides M2e synthétiques liés chimiquement avec des protéines porteuses ou synthétiquement avec des déterminants des cellules T. L'équipe du Dr Gerhard précisait qu'une immunisation active avait déjà été obtenue chez la souris et le furet, et que, après contact avec le virus, la réplication avait été limitée et le nombre des décès s'était abaissé. Néanmoins, le vaccin n'avait pas pu prévenir l'infection des animaux.
Faible pression de sélection.
Pour que cette stratégie vaccinale puisse fonctionner, il est nécessaire que la protéine M2 ne soit pas l'objet de mutations régulières, comme c'est le cas de l'hémagglutinine et de la neuraminidase. Si tel était le cas, des vaccinations régulières et adaptées seraient nécessaires. Pour le Dr Gehrard, l'absence de mutation pourrait être due à une faible pression de sélection des mutants en l'absence de diffusion du vaccin. Il se fonde pour cela sur des études animales qui ont montré que, chez des souris immunodéficientes vaccinées et soumises à une dizaine de contact avec des virus influenza A, on observe l'émergence de mutants chez qui il existe le remplacement d'au moins un acide aminé.
Quatre entreprises.
Actuellement, au moins quatre entreprises de biotechnologie travaillent à la mise au point d'un vaccin de ce type. Acambis a été la première à passer aux études cliniques de phase I en juillet 2007. Les résultats qu'elle annonce aujourd'hui confirment l'immunogénicité du vaccin ACAM-FLU-A associé à l'adjuvant QS-21 chez 90 % des 79 volontaires. L'entreprise dit aussi avoir obtenu des résultats chez l'animal mis en contact avec un virus H5N1, mais aucune publication ne vient étayer ces allégations.
Vaxinnate, une entreprise américaine, a elle aussi mis en place dès septembre 2007 des études de phase I sur un vaccin combinat l'antigène M2e avec la flagelline, un récepteur toll-like bactérien qui contribue à majorer l'immunité innée non spécifique. Ce vaccin pourrait être fabriqué à partir de bactéries et non d'oeufs embryonnés, ce qui pourrait faciliter les différentes étapes de la production et de la commercialisation. Les résultats des premières études sur l'homme, menées en collaboration avec la fondation Gates, devraient êtres disponibles au printemps 2008.
Deux autres compagnies de biotechnologie travaillent dans le même domaine : Dynavax, qui développe un vaccin adjuvé, et Biovitrum AB-Pepscan-Proxima Merck, dont le vaccin candidat est ciblé sur la protéine M2.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature