DE GRANDS comédiens se sont succédé, au Français, dans le rôle de Cyrano, dans celui de Christian, dans celui de Roxane et de tous les autres personnages du chef-d’oeuvre populaire d’Edmond Rostand. Denis Podalydès leur rend hommage en prologue, par un film qui n’est pas d’une utilité déterminante mais donne le ton de la représentation. Elle est un hommage au théâtre, elle ne cesse de surligner les intentions de l’écrivain. On a parfois l’impression que les artisans du spectacle découvrent « Cyrano de Bergerac » et pensent que le public n’en connaît pas la puissance. Lorsque l’on est attentif aux choix musicaux du metteur en scène et de son zélé dramaturge (qu’il faille un dramaturge pour déchiffrer Cyrano de Bergerac est déjà une indication de l’esprit de ce travail de très bon élève), on demeure un peu perplexe... On se dit que Podalydès et Emmanuel Bourdieu, le dramaturge, craignent que nous, pauvres spectateurs, n’en sachions pas autant qu’eux. Qu’ils se rassurent, la plupart des fidèles du Théâtre Français ont ici quelques souvenirs. Ici et ailleurs.
Bref, dans la mise en scène de Denis Podalydès, tout ce qui est l’élan, l’allant, la force inventive, le savoir et le savoir-faire de Rostand, sa capacité d’empathie pour les personnages et la formidable potentialité d’émotion de l’oeuvre sont quelque peu écrabouillés par le commentaire, le signe. Dommage. Que l’on rende hommage au théâtre, soit. Que l’on découvre dans « Cyrano de Bergerac » un théâtre total qui emprunte à tous les genres et en Cyrano lui-même un personnage blessé et complexe, c’est bien. Mais faut-il que cela se voit à ce point ? C’est toute la question.
Reste que la soirée est bonne même si l’on n’est pas ému profondément. Cyrano surgit d’une vieille malle comme un pantin oublié : seuls Emmanuel Bourdieu, le dramaturge et Podalydès, l’avaient négligé... Les décors, bois mobile d’un monde fragile, images superbes signées Eric Ruf, costumes harmonieux de Christian Lacroix (mais la mise en scène en appelle à plusieurs siècles, du XVIIe au XIXe et même au-delà, et cela ne sert qu’à la confusion générale) tout cela a de la grâce et la troupe est bonne. Le De Guiche d’Andrzej Seweryn est remarquable, le couple Cyrano-Christian, absolument magnifique. Vuillermoz a la grandeur cocasse et la vulnérabilité, la sensibilité, l’intelligence. Ruf, la beauté aristocratique, la maladresse. Déçoit un peu la si sensible Françoise Gillard, ici réduite aux effets d’une petite personne précieuse mais pas au sens qu’il faudrait. Dommage.
Bref. Il ne s’agit surtout pas de décourager quelque spectateur que ce soit. La soirée est copieuse. Mais on n’est pas convaincu par la mise en scène, trop démonstrative.
Comédie Française, en alternance jusque fin juin (08.25.10.16.80).
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