La recherche d’un remplaçant reste un sacré casse-tête

Publié le 14/06/2006
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LE PROBLÈME est mathématique. Avec un numerus clausus très bas pendant les années 1990, les médecins en activité trouvent moins facilement qu’autrefois un remplaçant. L’opération relève du parcours du combattant en période estivale. «Il y a grosso modo un médecin remplaçant en activité pour cinq médecins installés, ce qui est évidemment bien loin de satisfaire la demande», commente le Dr Patrick Bouet, secrétaire général adjoint au Conseil national de l’Ordre des médecins. «Ils sont environ14000étudiants non thésés, diplômés de fraîche date ou jeunes retraités inscrits à l’Ordre à exercer une activité de remplaçant, explique Patrick Bouet . Un certain nombre de professionnels autour de la cinquantaine choisissent également de réorienter leur carrière et se tournent vers les remplacements mais leur nombre est aujourd’hui difficile à évaluer. Il s’agit d’un phénomène plus récent.»

A part la médecine générale, certaines spécialités médicales, comme la gynécologie médicale, la pédiatrie ou la radiologie, sont parmi les plus touchées par l’absence de remplaçants. «J’ai failli ne pas partir en vacances cette année, mais j’ai eu la chance d’avoir deux réponses sérieuses aux annonces que j’ai passées dans “le Quotidien” il y a deux mois et demi, commente un radiologue de banlieue parisienne. En province, un ami radiologue a beaucoup plus de mal que moi.»

Des sociétés spécialisées.

Désireux de se décharger de cette tâche chronophage, les médecins font appel à des entreprises spécialisées dans la recherche de remplaçants. Services et Conseils santé est l’une d’elles. Créée il y a sept ans à Toulouse par Jean-Luc Villacreces, cette société est chargée de rechercher des remplaçants et de les mettre en relation avec les praticiens. «Les médecins paient 230euros par an. Pour ce prix, ils peuvent demander à la société de leur trouver un remplaçant autant de fois qu’ils le souhaitent dans l’année. L’inscription au fichier est gratuite pour les remplaçants», indique le gérant de la société. La recherche est effectuée à partir d’un fichier mais aussi du site Internet de l’entreprise.

«Depuis deux ans et demi, pour être plus efficaces, nous allons chercher les candidats à l’hôpital parmi les internes qui terminent leur cursus, explique Jean-Luc Villacreces .Même si on a l’impression qu’il y a plus de remplaçants aujourd’hui, il manque toujours des candidats.» La demande est évidemment plus forte pendant les périodes de vacances scolaires, à l’été et à Noël. «Comme toutes les autres sociétés, nous ne pouvons pas assurer 100% de réussite à nos adhérents, poursuit le gérant . Il faut aussi une part de chance pour trouver quelqu’un. Un médecin qui proposera deux semaines de remplacement aura plus de facilité à trouver que quelqu’un qui n’en proposera qu’une.»

Contrairement à certaines idées reçues, la vie du remplaçant n’est pas toujours simple. Mathias Huitorel, médecin remplaçant de 34 ans dans la région parisienne, a coordonné la rédaction du nouveau guide du médecin remplaçant édité par le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (Snjmg)*. «La difficulté, c’est de travailler toute l’année en continu, souligne-t-il . Trouver des remplacements pendant l’été ou les vacances scolaires, voire un ou deux jours par semaine, c’est facile, mais travailler sans à-coups toute l’année est beaucoup plus dur.» Comment se passent les contacts entre remplaçant et remplacé ? «J’ai presque toujours trouvé mes remplacements grâce au bouche-à-oreille, commente Mathias . Je préfère travailler avec des médecins que je connais. Il y a des manières de travailler que je refuse, je ne peux pas faire de l’abattage et voir soixantepersonnes par jour, par exemple. Quand on est remplaçant, on a forcément besoin d’un peu plus de temps avec les patients... Je me rapproche donc des médecins qui ont un sens de l’organisation proche du mien.»

Négociation.

Violaine, 31 ans, maman d’un petit garçon de 1 an, fait des remplacements pendant les vacances scolaires. Elle reconnaît avoir également des «critères de choix» et rechercher des remplacements à proximité de Nancy, où elle vit avec son compagnon, également remplaçant. «Je fonctionne avec quatre médecins de Nancy que je remplace pendant les vacances et que je dépanne de temps en temps, confie-t-elle . Au début, j’acceptais toutes les propositions. Maintenant, je préfère travailler dans un cabinet informatisé pour gagner du temps. S’il fonctionne avec une secrétaire, c’est également un avantage.»

Avant d’accepter le remplacement, il faut passer par la phase de négociation. Les cours du marché sont de 70 % de rétrocession des honoraires pour le médecin remplaçant. «Je demande toujours au moins une rémunération plancher quand je ne connais pas très exactement l’activité du médecin que je remplace –elle équivaut à 12C. Il y a automatiquement une baisse d’activité de 30% de consultations quand le médecin titulaire part en vacances, mais notre activité est tout de même suffisante», explique Mathias Huitorel. Médecins remplaçants et remplacés nouent souvent une certaine complicité. «On a besoin de cette relation de confiance, explique Mathias. Le médecin ne peut pas laisser son cabinet et sa clientèle à n’importe qui et le remplaçant ne va pas accepter que le médecin remplaçant lui prévoie quatre gardes pendant les quinze jours où il va le remplacer.»

De l’avis des jeunes généralistes interrogés, les remplacements se déroulent en règle générale dans de bonnes conditions. «A titre personnel, je n’ai pas connu de mauvaises expériences, dit Mathias Huitorel. Certains remplaçants font néanmoins état de retards de paiement, de l’absence de rémunération de leurs gardes, ou de mauvaises surprises lors de leur prise de fonction: logement dans un cagibi, vieux matériel au cabinet, mais ces problèmes sont minoritaires.» Le plus difficile pour le médecin remplaçant reste le regard de certains patients : «On est parfois remis en question, explique Violaine . Des patients suspicieux préfèrent revenir consulter au retour du médecin titulaire. Ce n’est pas toujours facile à vivre.»

* « Le Guide du médecin remplaçant et de son exercice professionnel » est édité par le Snjmg. Il est disponible au prix de 40 euros (20 euros pour les adhérents du syndicat). Renseignements sur www.snjmg.org.

> CHRISTOPHE GATTUSO

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7979