«Après une période où elle avait été un peu mise entre parenthèses, on assiste à une expansion de la recherche dermatologique avec une volonté évidente de l'ancrer dans le mouvement actuel de restructuration de la recherche en France», souligne le Pr Denis Jullien. Le premier signe de cette évolution a été la décision de l'Inserm de mettre en place en 2006 le Programme national de recherche en dermatologie, qui est venu remplacer les comités d'interface. «L'année dernière, la budgétisation de l'Inserm a été de 200000 euros sur la thématique de la biologie cutanée. Cette somme a été reconduite cette année exactement sur la même thématique.
Et, en mai prochain, un appel d'offres va avoir lieu pour 2008, cette fois sur la recherche clinique, pour une budgétisation toujours de 200000 euros », explique le Pr Jullien, en reconnaissant que ces financements annuels sont moins importants que ceux qui avaient été initialement envisagés. «Mais selon lePrPhilippeMusette (responsable du Bureau de la recherche de la SFD), le montant des crédits alloués par l'Inserm pourrait être revu à la hausse et surtout être pérennisé, plutôt que d'être reconduit chaque année comme c'est le cas aujourd'hui.»
Le Pr Jullien se félicite aussi de l'inscription, obtenue par le Pr Musette, de la dermatologie au sein de l'Agence nationale de la recherche (ANR) dans la section physiologie.
Des financements alloués par la SFD.
«Cela va nous permettre d'accéder au financement de l'ANR sur des thématiques spécifiquement dermato- logiques.»
Pour le reste, une large partie du financement de la recherche repose toujours sur la Société française de dermatologie (SFD). Chaque année, son Bureau de la recherche attribue environ 500 000 euros à différents projets présentés par des équipes françaises. «Pour allouer ces financements, nous avons deux sessions annuelles au cours desquelles nous procédons à une évaluation et un per-reviewing des dossiers, explique le Pr Jullien. En général, cette somme de 500000 euros est répartie entre vingt et trente dossiers sur des thématiques qui peuvent être très variées. Cette année, par exemple, nous avons attribué 360000 euros sur la recherche biologique, ainsi que 150OOO euros sur les dermatoses oubliées. Dans nos choix, nous n'omettons pas en effet les projets portant sur des thématiques qui, a priori , ont peu de chance d'intéresser les agences de recherche.»
Le Pr Jullien salue aussi les travaux de recherche développés au sein des Centres de référence nationaux, axés sur des thématiques de dermatologie : celui de Rouen (dermatose bulleuse), ceux de Créteil (dermatose bulleuse-toxidermies ; neurofibromatose) et les deux centres (Necker et Bordeaux) sur les dermatoses rares en pédiatrie.
Autre signe de vitalité : le succès du Congrès européen de la Société de recherche dermatologique (SDR), organisé l'année dernière en France. «Avec plus de 1000inscrits, cela a été le plus gros congrès de l'histoire de l'Esdr », souligne le Pr Jullien.
Ce dernier apporte toutefois un bémol à ce constat globalement positif en évoquant la difficulté pour attirer les jeunes dermatologues vers la recherche. «A l'issue de leur formation, nos jeunes confrères se dirigent en large majorité vers l'installation en libéral. Et c'est vrai qu'ils ne voient pas l'utilité ou l'intérêt de passer une année supplémentaire dans un laboratoire de recherche et de faire une thèse. De plus, cette possibilité leur est plus ou moins directement accessible selon leur lieu de formation et tous ne souhaitent pas ou ne peuvent pas envisager une mobilité. Ce manque d'intérêt des jeunes dermatologues aura nécessairement un impact sur le renouvellement des hospitalo-universitaires au sein de notre spécialité et donc sur notre aptitude à remplir les missions qui nous sont confiées. L'investissement que nécessite la recherche est très important et parfois aujourd'hui difficile à mener de front avec l'enseignement et la clinique», explique le Pr Jullien, en évoquant aussi l'isolement dans lequel se trouve un certain nombre de petites structures de recherche. «Cela ramène à cette idée récurrente que constitue le projet de regrouper différentes unités de recherche au sein de grands pôles nationaux. Sur le papier, c'est évidemment intéressant, mais, dans la pratique, cela reste très difficile à mettre en place car les gens ne sont pas prêts à aller travailler ailleurs: moi le premier, je ne me vois pas aller faire de la recherche à Paris alors que mon activité clinique est à Lyon.»
Au final, le Pr Jullien estime que, face à ceux qui considèrent que la recherche dermatologique française ne peut se comparer aujourd'hui à celle d'autres pays européens comme l'Allemagne ni aux Etats-Unis, il ne faut pas négliger les énormes efforts de refondation entrepris et le chemin déjà parcouru. S'il reste beaucoup de travail à faire, dans le mouvement de restructuration de la recherche en France, la recherche dermatologique n'est clairement pas laissée sur la touche.
* CHU Hôtel-Dieu, Lyon. Membre du Bureau de la recherche de la Société française de dermatologie.
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