Lymphomes gastriques du MALT

La recherche de la translocation t(11;18) a un intérêt en pratique clinique

Publié le 09/03/2008
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D'après une étude récente, la présence de la translocation t(11;18) dans les lymphomes gastriques du MALT est associée à une absence de réponse de la tumeur à l'éradication de Helicobacter pylori. Ces résultats permettent, en pratique clinique, de modifier la stratégie thérapeutique. Le point avec le Dr Agnès Ruskoné-Fourmestraux, qui a réalisé ce travail.

LES LYMPHOMES gastriques de la zone marginale du MALT (Mucosa-Associated Lymphoid Tissue) sont des lymphomes B non hodgkiniens, développés à partir des tissus lymphoïdes associés aux muqueuses. L'anomalie chromosomique la plus fréquemment retrouvée dans ce type de lymphomes (30 % des cas) est la translocation t(11;18)(q21;q21), qui conduit à une fusion des gènes API2 et MALT1. Une infection à Helicobacterpylori (Hp) est souvent impliquée dans le développement de ces tumeurs : 70 % des lymphomes gastriques du MALT ont un statut Hp positif. Le mode évolutif de ces lymphomes à petites cellules B est lent, sur plusieurs années. Ils restent localisés dans 96 % des cas, mais il existe un risque soit de transformation en lymphome à grandes cellules B, plus agressif, soit de dissémination à d'autres tissus lymphoïdes de l'organisme.

Ces lymphomes se présentent cliniquement sous la forme d'un ulcère, d'une lésion exophytique ou d'une zone érythémateuse érosive, diagnostiqués lors d'un examen endoscopique. L'analyse histologique des biopsies permet de porter le diagnostic et de rechercher la présence de Hp. En cas de négativité, une sérologie Hp positive confirme le lien de causalité avec le lymphome.

Grâce aux travaux coordonnés par le GELD (groupe d'étude des lymphomes digestifs), sous l'égide de la FFCD (Fédération francophone de la cancérologie digestive), il a été démontré que 56 % des lymphomes gastriques du MALT peuvent régresser après traitement antibiotique et antisécrétoire. La régression histologique complète ne s'observe cependant qu'après un délai de 6 à 24 mois, au cours duquel une surveillance endoscopique étroite est nécessaire. La persistance du lymphome après deux ans de surveillance fait poser l'indication d'un traitement oncologique. La radiothérapie conformationnelle à faibles doses est actuellement préconisée, avec d'excellents résultats.

Vers une systématisation de la recherche de la translocation t(11;18).

L'équipe du Dr Agnès Ruskoné-Fourmestraux, en collaboration avec celle du Pr Ming Du, département de pathologie de Cambridge, avait démontré en 2005, sur un petit nombre de tumeurs, que la translocation t(11;18) était plus fréquemment retrouvée dans les lymphomes du MALT non répondeurs à l'éradication de Helicobacter pylori.

Afin de compléter ces résultats, le Dr Agnès Ruskoné-Fourmestraux présente, lors des Journées francophones de pathologie digestive, une étude prospective dont l'objectif était de déterminer l'intérêt clinique de la détection de cette translocation dans une série homogène de lymphomes gastriques du MALT. La recherche de la translocation t(11;18) a été réalisée par hybridation insitu en fluorescence, selon la méthode de FISH, mise au point pour ce travail par le Dr Pascale Cervera, du laboratoire d'anatomopathologie du Pr Jean-François Fléjou à l'hôpital Saint-Antoine (Paris) et validée en collaboration avec l'équipe du Pr Ming Du.

L'étude a regroupé 91 cas de lymphomes gastriques du MALT, répartis en 4 groupes : 25 lymphomes localisés régressant après éradication de Hp; 41 lymphomes localisés non répondeurs ; 4 lymphomes disséminés et 21 lymphomes à grandes cellules B. La translocation a été détectée dans respectivement 8 %, 62 %, 100 % et 0 % des cas de chaque groupe. Dans les formes localisées, l'anomalie chromosomique est d'autant plus fréquente que le stade d'extension est avancé (stade IE = TNO versus stade IIE = TN+). L'absence de la translocation est prédictive d'une régression du lymphome dans les deux ans après éradication de Hp, mais avec une valeur prédictive négative qui n'est que de 59 %. En revanche, la présence de la translocation est fortement corrélée avec une non-rémission de la tumeur, avec une valeur prédictive positive de 93 %. Ces résultats posent donc la question de l'intérêt, en pratique clinique, d'une détection systématique de la translocation t(11;18) dans les lymphomes gastriques du MALT localisés, qui permettrait, en cas de positivité, de proposer un traitement oncologique d'emblée, évitant ainsi une surveillance prolongée avec des bilans inutiles après éradication de Helicobacter pylori.

D'après un entretien avec le Dr Agnès Ruskoné-Fourmestraux, hôpital Saint-Antoine, Paris.

> Dr CAMILLE CORTINOVIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8328