C'est dans le titre IV du projet de loi de santé publique, qui sera discuté au Parlement la semaine prochaine, que se trouve le chapitre concernant la recherche biomédicale. La modification de la loi de 1988 s'inscrit dans le cadre de la transposition de la directive européenne du 4 avril 2001 sur les essais cliniques de médicaments.
Plusieurs grands changements sont attendus. Le premier d'entre eux concerne la suppression de la distinction entre recherches avec bénéfice individuel direct (BID) et recherches sans bénéfice individuel direct (SBID). Si la directive européenne ne l'exige pas, elle suit toutefois une autre logique, celle de l'évaluation bénéfice/risque. Cette évaluation est entendue comme prenant en compte, d'une part, les risques et les inconvénients prévisibles, et, d'autre part, le bénéfice attendu pour la personne participant à la recherche ou l'intérêt pour la santé publique. Il résulte de ce changement plusieurs conséquences. Tout d'abord, l'autorisation de lieu préalable aux recherches n'est maintenue que « dans certaines situations qui justifient une telle procédure, outre l'autorisation de recherche donnée au cas par cas ». Ensuite, le fichier national des personnes se prêtant à des recherches n'impose plus à l'investigateur d'inscrire systématiquement les personnes se prêtant à des recherches SBID, dans l'objectif de vérifier le respect des périodes d'exclusion et le non-dépassement du plafond annuel des indemnités versées en compensation des contraintes subies. Ce fichier est maintenu seulement pour les recherches « pour lesquelles il présente un intérêt réel de protection, c'est-à-dire les recherches portant sur les produits de la compétence de l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) et pour les volontaires sains ou les personnes malades pour lesquelles les bénéfices escomptés sont sans rapport avec l'état pathologique ». Enfin, il est proposé d'unifier les régimes de responsabilité du promoteur sous celui de la faute présumée.
Pour le Pr Claude Huriet, l'un des auteurs de la loi de 1988, la distinction entre BID et SBID ne doit pas être supprimée mais seulement clarifiée. Il propose de modifier la terminologie de bénéfice individuel direct, laquelle prête à confusion, en évoquant des essais « avec bénéfice individuel potentiel ».
Une indemnisation ?
Le Pr Huriet déplore notamment la suppression du fichier national des personnes se prêtant à des recherches SBID. Il dénonce également l'extension de la possibilité d'indemnisation en compensation des contraintes subies à toutes les recherches biomédicales. « Cette extension, souligne-t-il, toucherait en première ligne la recherche institutionnelle face à la recherche industrielle. »
Le Pr Huriet comprend d'autant moins l'abandon de la distinction BID/SBID que le législateur envisage, s'agissant des conditions de participation aux essais des personnes vulnérables, deux hypothèses : soit le bénéfice escompté pour la personne est de nature à justifier le risque encouru ; soit il est attendu pour d'autres personnes se trouvant dans la même situation.
Autre changement majeur apporté par le projet de révision de la loi Huriet : la modification du rôle des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche médicale (CCPPRB, renommés à l'occasion comités de protection des personnes). Ces instances régionales, qui ont pour mission d'examiner la pertinence générale des protocoles, émettront un avis qui ne sera plus seulement consultatif mais aura un caractère délibératif. « Les nouvelles attributions des comités concernant l'appréciation de la balance bénéfice/risque ainsi que la pertinence scientifique et la méthodologie en changeront nécessairement la composition qui ne sera plus pluraliste et équilibrée comme l'avait voulu le législateur de 1988, mais à dominante scientifique », regrette enfin Claude Huriet.
Le Comité d'éthique pour un contrôle en amont
Après le rapport rendu par l'Académie de médecine (« le Quotidien » du 11 septembre), c'est le Comité consultatif national d'éthique qui rend un avis sur les modifications de la loi Huriet*. Comme les académiciens, les Sages du CCNE sont favorables à la notion d'équilibre bénéfice/risque qui, selon eux, « permet de lever certaines ambiguïtés et ne pose pas de problème éthique en soi dans la mesure où il est compatible avec le respect de la personne ». En ce qui concerne les situations où la personne ne peut consentir (en réanimation, par exemple), le CCNE indique que l'interdiction de toute recherche « serait vide de sens lorsque le risque pour le patient est négligeable ou la recherche, irréalisable sur d'autres catégories de personnes ». Mais « il ne serait pas éthique », poursuivent les Sages, « de pouvoir utiliser l'impossibilité d'un consentement comme un moyen permettant de rendre la recherche plus aisée ». Le CCNE évoque donc la nécessité d'un contrôle en amont, « que seuls les CPP (les nouveaux comités de protection des personnes, remplaçant les CCPPRB) semblent à même de pouvoir réaliser ». Il considère, en outre, que l'extension des compétences des CCPPRB constitue une « avancée » ;« le rôle qui leur est dévolu devient majeur par leur engagement à protéger l'intérêt de la personne ». Sur ces comités reposent la difficile tâche de résoudre le problème éthique de la recherche médicale, entre progrès scientifique et respect de la personne. « Il faut en tout cas éviter les consentements de pure forme qui protègent plus l'institution que la personne », conclut le CCNE.
* Avis n° 79 : « Transposition en droit français de la directive européenne relative aux essais cliniques de médicaments : un nouveau cadre éthique pour la recherche sur l'homme ».
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