REFERENCE
1) Epidémiologie
L'ORN est une complication de plus en plus rare dont l'incidence est variable selon les localisations irradiées (15 % des RT ORL et 2 % des RT du bassin par exemple). Il s'agit d'un phénomène tardif survenant entre quelques semaines et quelques années après la radiothérapie. L'ORN diffère fondamentalement des douleurs ostéoarticulaires aiguës, pendant et au décours de la radiothérapie, qui cèdent rapidement sous anti-inflammatoires non stéroïdiens, comme les douleurs trochantériennes après RT prostatique.
Une radiothérapie est délivrée dans un volume anatomique précis, et ne seront éventuellement concernés par une ORN que les os inclus dans les champs d'irradiation. La survenue d'ORN est d'autant plus grande que la dose totale de radiothérapie est élevée (plus de 50 Gy), la dose par fraction (quotidienne) supérieure à 2 Gy, et le volume irradié important. Par ailleurs, une curiethérapie associée, dans la cavité buccale par exemple, majore le risque de survenue d'ORN mandibulaire. Le volume d'irradiation choisi, donc les complications relatives, est aujourd'hui mieux défini et réduit grâce à l'utilisation de méthodes modernes d'imagerie (scintigraphie, scanner, IRM, PET-scan) et l'utilisation récente d'une irradiation à haute énergie prescrite selon une dosimétrie individuelle et conformationnelle.
2) Influence majeure du terrain
L'incidence d'une ORN est d'autant plus grande que le patient irradié est âgé et qu'il présente des comorbidités associées : une ostéoporose préexistante augmente le risque de survenue de fracture secondaire. Diabète, hypertension artérielle, terrain alcoolo-tabagique, sclérodermie, augmenteront également le risque d'ORN par atteinte, même asymptomatique, de la microcirculation artérielle. Une chirurgie associée à la radiothérapie majorera le risque de fibrose en cas de complications postopératoires à type d'hématome ou d'infection chronique, et l'incidence d'ORN sera d'autant plus grande qu'il existe un traumatisme mécanique local associé de type chirurgical (biopsie, exérèse...), extraction dentaire, chute ou une obésité... Enfin, une chimiothérapie peut également potentialiser la radiothérapie, en particulier lorsqu'elle est concomitante.
3) Diagnostic clinique et radiologique
La symptomatologie clinique liée à une ORN est variable, de la maladie occulte asymptomatique à une destruction osseuse majeure symptomatique. L'ORN est en général symptomatique lors d'une progression et/ou une complication mécanique (fistule, fracture) ou infectieuse (cellulite, ostéomyélite). Les signes fonctionnels associent des douleurs locales d'intensité variable et une limitation des mouvements (boiterie, trismus...). Il s'y associe parfois une exposition osseuse par dénudation muqueuse mandibulaire d'étendue variable révélée par un examen endobuccal. Enfin, des signes associés de fibrose radio-induite en volume irradié sont régulièrement observés avec un érythème ou des troubles trophiques cutanés en regard.
La séméiologie radiologique varie, elle aussi, en fonction de l'étendue et de la sévérité de l'ORN. Les radiolésions apparaissent après une période de latence, avec au minimum une déminéralisation osseuse asymptomatique. L'ORN est typiquement caractérisée par une structure hétérogène de type pagétoïde alternant des plages de raréfaction osseuses radiotransparentes et des plages de densification radiocondensantes, voire en cas de complications sévères, un séquestre osseux, une fracture, ou des signes d'ostéomyélite. Une scanographie ou une IRM sont utiles dans les formes évoluées afin de préciser l'extension et la gravité de l'ORN.
4) A ne pas confondre avec...
L'ORN est une nécrose radio-induite en dehors du site de rechute tumorale ou d'une perte de substance liée à la fonte tumorale. Le diagnostic différentiel avec une infection, une récidive néoplasique ou un sarcome radio-induit est facilité par l'utilisation d'une imagerie scanner, IRM, PET-scan, et la biopsie qui permet une analyse histologique. La limitation des lésions au champ d'irradiation, et l'absence d'envahissement des parties molles constituent des arguments forts en faveur d'une ORN.
5) Particularités topographiques
Les radiolésions osseuses pelviennes peuvent survenir après irradiation d'un cancer prostatique, vésical, utérin, rectal ou d'un sarcome des parties molles, et quoique exceptionnelles aujourd'hui, demeurent de pronostic sévère. La moitié de ces lésions osseuses sont bilatérales avec un délai d'apparition de un à cinq ans après la radiothérapie. Ces radiolésions à type d'ORN de la tête fémorale, fracture transcervicale, fracture du cotyle, etc. peuvent être à l'origine de coxopathies.
L'ORN mandibulaire survient au décours d'une irradiation pour cancer ORL, notamment après extraction dentaire. La radiosensibilité de la branche horizontale de la mandibule est majorée par sa localisation superficielle et sa faible vascularisation en dehors de l'artère alvéolaire inférieure. La gravité de l'ORN mandibulaire réside dans son caractère septique par nécrose muqueuse associée et donc exposition osseuse, souvent favorisée par une mauvaise hygiène bucco-dentaire.
L'ORN de la ceinture scapulaire (clavicule) et des cinq premières côtes peut compliquer une irradiation mammaire. Ces lésions osseuses peu symptomatiques, indolores et multiples sont en général associées à des lésions de radiodermite et/ou d'atteinte du plexus brachial.
Tous les os peuvent être atteints en fonction du volume irradié. L'ORN du sternum a également été rapportée après irradiation pour maladie de Hodgkin ou cancer du sein.
La prise en charge de l'ostéoradionécrose fera l'objet d'un autre article.
Bibliographie
- S. Delanian, J.-L. Lefaix. Radionécrose de l'os mature : connaissance physiopathologique récente motrice d'une thérapeutique médicale innovante (revue). « Cancer Radiother », 2002, 6, 1-9.
- C. Georges, S. Delanian. Ostéoradionécroses. « Encycl. méd. chir. » (Editions scientifiques et médicales Elsevier SAS, Paris)« Appareil locomoteur », 14-029-A-10, 2003, 5p.
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