Dès la découverte de la radioactivité et des propriétés du radium et du polonium, Marie Curie est convaincue que les rayons X et le rayonnement des corps radioactifs peuvent soigner le cancer. Encore faut-il le démontrer. L'obstination de Marie Curie, avec le Dr Claudius Regaud, aboutit à la naissance de l'institut Curie, que l'on peut considérer « comme le berceau de la radiothérapie dans le monde ».
Les premiers traitements par radiothérapie datent du début du XXe siècle et s'adressent à des tumeurs superficielles. Les appareils utilisés, des tubes à rayons X, n'ont qu'une faible énergie. Les doses efficaces ne peuvent pas dépasser quelques millimètres sous la peau ; ce sont donc les dermatologues qui utilisent le plus ces nouveaux traitements. Le premier cancer de la peau est guéri en 1899 par Thor Stenbeck à Stockholm. Les radioéléments, radon 222 et radium 226, découverts par Pierre et Marie Curie avec leur émission de rayons gamma, offrent des possibilités plus intéressantes du fait de leur pouvoir pénétrant.
Malgré des difficultés techniques importantes (prix, difficulté d'en disposer, difficultés de conditionnement, etc.), les premières aiguilles en platine remplies de radium et les premiers fins tubes de radon, vers 1923, peuvent être implantés dans ou autour de la tumeur à traiter : la curiethérapie est née. Au prix d'énormes difficultés de manipulations, de dosimétrie, de nombreux cancers sont traités avec succès (langue, utérus, sein, etc.).
En 1934, c'est la découverte de la radioactivité artificielle par Irène et Frédéric Joliot-Curie, et l'abandon de l'emploi du radium au profit de radioéléments moins chers ; en 1945, la fabrication de sources de cobalt 60 ou de césium 137 très puissantes. Les bombes à cobalt produisent des radiations de haute énergie plus performantes, plus puissantes. Un tournant s'amorce vers la fin des années 1960 avec les accélérateurs linéaires de particules (protons, électrons...) qui autorisent une irradiation plus en profondeur, permettant également de respecter les organes sains entourant la tumeur.
70 % des patients
Aujourd'hui, « cette vieille dame plus que centenaire », la radiothérapie, demeure l'un des traitements les plus efficaces dans la lutte contre le cancer et est utilisée pour 70 % des patients atteints de cancer.
Des progrès récents vont encore augmenter la réussite des traitements. En permettant de mieux définir la zone tumorale, de mieux en cibler l'irradiation, de choisir la dose la plus adaptée, facteur déterminant de réussite, d'identifier les patients les plus réceptifs à cette thérapie. La radiothérapie conformationnelle en 3D, pratiquée dans un nombre très restreint d'hôpitaux, permet d'augmenter les doses, une meilleure adaptation du faisceau au volume tumoral grâce à des collimateurs multilames pilotés par ordinateur. Utilisée pour des maladies très localisées (même pour des lésions bénignes du cerveau), elle présente l'avantage de réduire l'irradiation des tissus sains. D'introduction récente, la radiothérapie conformationnelle avec modulation d'intensité permet de faire varier la dose au sein d'un faisceau qui produit des volumes d'irradiations avec des creux et apparaît comme « un bouleversement », notamment dans les cancers des poumons, de la prostate et des voies aérodigestives. Depuis l'été, un certain nombre de patients ont déjà pu en bénéficier à l'institut Curie. C'est sans aucun doute une voie thérapeutique d'avenir qui est au début de son développement clinique.
Enfin, la prise en compte des mouvements respiratoires, problème majeur dans les radiothérapies des tumeurs thoraciques, devient effective avec le développement de la radiothérapie asservie à la respiration, qui devrait encore diminuer la toxicité potentielle de l'irradiation en autorisant une augmentation de la dose d'irradiation. Quelques patients atteints de cancer du poumon, dans le cadre d'études cliniques, pourront en bénéficier à partir de novembre 2003 à l'institut Curie.
Parallèlement à la radiothérapie externe, la curiethérapie (radiothérapie localisée) n'est pas abandonnée et l'institut a gardé depuis près d'un siècle son rôle de leader. Dernière avancée, la curiethérapie par implantation de « grains » d'iode 125 pour les cancers localisés de la prostate semble générer moins de complications que le traitement chirurgical et représente un grand espoir face au deuxième cancer masculin. Mais elle est encore peu répandue en France (son coût élevé, 9 000 euros par patient, non remboursé par l'assurance-maladie, est pris en charge par les hôpitaux prescripteurs) : seulement quinze centres peuvent la pratiquer.
Autre avancée dans ce domaine, la curiethérapie par disque radioactif pour les rétinoblastomes qui, si le diagnostic est posé précocement, permet une irradiation très localisée de la tumeur sans endommager le reste de la cavité orbitaire et son contenu. L'institut Curie est le centre de référence pour cette pathologie (seulement deux centres dans le monde traitent cette pathologie en routine).
L'avenir de la radiothérapie, de la curiethérapie est donc jalonné de promesses. Seul le manque cruel de professionnels (médecins et techniciens) est une entrave à son développement.
Conférence de presse de l'institut Curie, avec, pour intervenants, les Prs Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique en 1991, Pierre Bey (directeur de l'institut Curie), Jean-Marc Cosset, chef du service de radiothérapie de l'institut Curie, et les Drs Alain Fourquet et Philippe Giraud.
Courir pour Curie
C'est dimanche qu'aura lieu l'opération « Courir pour la vie, courir pour Curie ». Le départ sera donné à 9 h 30 au Panthéon pour ensuite courir ou marcher dans le jardin du Luxembourg. Pour chaque kilomètre parcouru, un montant symbolique sera reversé par des entreprises sponsors. Un défi à relever : 100 000 km contre le cancer. L'argent récolté cette année financera l'achat d'un microscope confocal.
Portes ouvertes à Curie les 11 et 12 octobre
Pour célébrer le centenaire du prix Nobel de Pierre-et-Marie-Curie, l'institut Curie ouvre exceptionnellement ses portes au public samedi et dimanche. Des visites de l'hôpital et rencontres avec les soignants permettront de mieux comprendre comment est organisée la prise en charge des patients. Dans les laboratoires de recherche, les adultes comme les enfants pourront dialoguer avec les scientifiques et se familiariser avec les technologies de pointe dont disposent les chercheurs. Des conférences et des débats feront le point sur la lutte contre le cancer.
Les curieux et amateurs d'histoire découvriront dans le musée les membres de la famille aux 5 prix Nobel ainsi que les étapes de leurs découvertes et leurs applications. Deux parcours-enquêtes y seront organisés pour le jeune public.
Autre offre intéressante : sur les traces de Pierre et Marie Curie en autobus ancien (de 1936), en compagnie d'un guide-conférencier. Ou encore la visite couplée du musée Curie et du Panthéon. Tandis que du 11 au 19 octobre, tous les après-midi, à l'Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle, sera reproduite avec des instruments d'époque la première mesure de la radioactivité.
Institut Curie, 26, rue d'Ulm, 75006 Paris. Programme au 01.42.34.63.15, portes.ouvertes@curie.fr, www.curie.fr.
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