Par le Pr PIERRE MICHEL*
En cas de résection histologiquement complète du cancer gastrique, le principal facteur pronostique est la présence d'un envahissement ganglionnaire. La survie à cinq ans est de 60 à 80 % en l'absence d'envahissement ganglionnaire et de 15 à 30 % en présence d'un envahissement ganglionnaire. L'influence de la qualité de l'acte chirurgical est majeure, avec des résultats de survie à cinq ans qui varient de 23 à 49 % pour des tumeurs de stade égal. La grande majorité des malades opérés en France présentent un adénocarcinome gastrique de stade localement avancé (stade II ou III, selon l'UICC). Le risque de récidive est actuellement de l'ordre de 70 à 80 %. L'amélioration des pratiques chirurgicales avec la réalisation systématique du curage ganglionnaire de type D1 (> 15 ganglions) permet d'espérer faire chuter ce risque de récidive à 50 %. Pour descendre sous le seuil de 50 %, il est nécessaire d'envisager des traitements complémentaires à la chirurgie adaptés aux sites de récidive de la maladie.
La chimiothérapie péri-opératoire améliore le pronostic.
L'efficacité de la chimiothérapie systémique en postopératoire a fait l'objet de nombreuses études et métaanalyses (1). Ces métaanalyses ne montrent pas de bénéfice significatif en faveur de la chimiothérapie pour les patients occidentaux. Deux études randomisées ont évalué la chimiothérapie péri-opératoire. L'étude britannique multicentrique a testé l'intérêt d'une chimiothérapie pré- et postopératoire par épirubicine-cisplatine-5FU contre chirurgie seule. Les risques de récidive et de décès étaient significativement diminués dans le bras chimiothérapie, avec une diminution du risque relatif de récidive de 30 % et de décès de 25 % (2). L'étude française multicentrique (3) a comparé la chirurgie seule à la chirurgie encadrée de deux cures de chimiothérapie par 5-fluoro-uracile et cisplatine. Les risques de récidive et de décès étaient significativement plus faibles dans le groupe chimiothérapie, avec un risque relatif diminué respectivement de 35 et 30 %.
Les résultats prometteurs de la radiothérapie.
Parmi les traitements locorégionaux, la radiothérapie a été la plus étudiée. La radiothérapie peropératoire est une technique séduisante, mais son accessibilité sera toujours réduite en raison de la lourdeur du plateau technique nécessaire. La radiothérapie postopératoire a été évaluée dans une seule étude randomisée récente. Cette étude américaine, publiée en 2001 (4), a comparé la chirurgie seule à la chirurgie plus la radiochimiothérapie postopératoire. Il s'agissait dans plus de 60 % des cas de tumeurs T3 avec un envahissement ganglionnaire dans 85 % des cas. À trois ans, les risques relatifs de récidive et de décès étaient diminués respectivement de 52 et 35 %. Cette étude a été largement critiquée car la chirurgie réalisée ne correspondait pas aux critères de qualité requis (pas de curage suffisant). Une étude coréenne (5) comparative, prospective, non randomisée incluant 990 patients apporte une partie de la réponse. Dans ce travail, le traitement postopératoire comportait une radiochimiothérapie selon les mêmes modalités que dans l'étude américaine. Le groupe chirurgie seule était composé de patients sélectionnés pour la radiochimiothérapie dont l'entourage avait refusé le traitement postopératoire. Dans les deux groupes, l'analyse du statut ganglionnaire a porté sur plus de 25 ganglions chez respectivement 85 et 87 % des patients. La survie globale a été améliorée dans le groupe radiochimiothérapie avec une diminution du risque relatif de décès de 40 à 48 % en fonction du stade de la maladie. Ces résultats plaident en faveur d'un effet bénéfique de la radiochimiothérapie dans la population des patients opérés avec un curage ganglionnaire de qualité. Enfin, la radiochimiothérapie postopératoire ne peut être réalisée que chez des patients en état général et nutritionnel satisfaisant.
La radiochimiothérapie préopératoire présente l'avantage théorique d'être réalisable chez tous les malades opérables d'un adénocarcinome de l'estomac. Cette stratégie préopératoire a été évaluée dans un petit nombre d'études de faisabilité aux États-Unis. Actuellement en France, l'essai TRACE (6) a pour objectif d'évaluer la faisabilité d'un même schéma de radiochimiothérapie soit en préopératoire, soit en postopératoire.
Le traitement à visée curative du cancer de l'estomac évolue à la fois en optimisant le traitement chirurgical et en associant la résection à des traitements complémentaires. La chimiothérapie péri-opératoire a montré son efficacité, mais elle ne diminue que modestement le risque de récidive. La radiothérapie associée à la chimiothérapie a un rôle important en raison de la fréquence des récidives locorégionales. Ses modalités sont en cours d'optimisation et nécessiteront encore plusieurs essais thérapeutiques.
* Hôpital Charles-Nicolle, Rouen.
(1) Van Cutsem E et coll. Ann Oncol 2006;17(Suppl. 6):v113-v118. (2) Cunningham D et coll. N Engl J Med 2006;355:11-20. (3) Boige V et coll. J Clin Oncol 2007;25 (suppl. :4510. (4) MacDonald JS et coll. N Engl J Med 2001;345:725-30. (5) Kim S et coll. In J Radiat Oncol Biol Phys 2005;63:1279-85.
(6) http://www.e-cancer.fr/Les-Essais-cliniques.
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