REVENONS quelques années en arrière. La radiothérapie adjuvante, avec ou sans chimiothérapie, a été largement utilisée pour améliorer le devenir des patients ayant un cancer rectal. Dans les formes localement avancées, la radiochimiothérapie postopératoire a, de façon significative, amélioré le contrôle local et la survie globale par rapport à la chirurgie seule ou à la chirurgie plus irradiation. Résultats qui ont conduit à un consensus du NIH américain en 1990, recommandant la radiochimiothérapie adjuvante postopératoire pour les patients ayant un cancer de stade II (exemple : tumeur infiltrant le muscle rectal sans envahissement ganglionnaire régional) ou III (exemple : toute tumeur avec envahissement ganglionnaire régional).
Puis, plusieurs études randomisées ont trouvé un plus faible taux d'échec local avec la radiothérapie préopératoire qu'avec la chirurgie seule ; mais seul un essai suédois a trouvé un avantage sur la survie. Par la suite, une métaanalyse a aussi conclu que la radiothérapie suivie de chirurgie, par rapport à la chirurgie seule, améliorait significativement le contrôle local et la survie. Enfin, le Dutch Colorectal Cancer Group a trouvé que l'addition d'une courte radiothérapie préopératoire avec excision mésorectale totale réduisait le taux de récurrence, mais n'améliorait pas la survie à deux ans.
On était donc en présence d'un avantage potentiel de la radiothérapie préopératoire ; auquel s'ajoutait la constatation que l'adjonction de chimiothérapie à la radiothérapie majore la survie. Ce qui a conduit Rolf Sauer et coll. (German Rectal Cancer Study Group) à mettre en place un essai comparant, d'une part, en préopératoire, d'autre part, en postopératoire, l'association de radiothérapie conventionnelle fractionnée et de chimiothérapie par fluoro-uracile.
Stade T3 ou T4 ou atteinte ganglionnaire régionale.
L'inclusion des patients a commencé en février 1995 et a été terminée en septembre 2002. Les patients avaient un cancer de stade T3 ou T4 ou encore une atteinte ganglionnaire régionale.
La radiothérapie consistait en un total de 5 040 cGy en 28 fractions de 180cGy, cinq fois par semaine au niveau du bassin.
Pendant la première et la cinquième semaine de radiothérapie, une chimiothérapie de FU a été administrée à raison de perfusions continues de 120 heures, à la dose de 1 000 mg/m2/j.
Le traitement a été identique dans les deux groupes à l'exception d'une dose de charge de 540 cGy dans le lit tumoral dans le groupe postopératoire.
Quant à la chirurgie, on réalisait une excision mésorectale totale selon une technique standard.
Au total, 421 patients ont été inclus dans le groupe radiochimiothérapie préopératoire (groupe Pré) et 402 dans le groupe radiochimiothérapie postopératoire (groupe Post).
Sans entrer dans les détails, les résultats sont les suivants :
- le taux de survie globale à cinq ans était de 76 % dans le groupe Pré et de 74 % dans le groupe Post ; différence non significative (p = 0,80) ;
- l'incidence cumulative à cinq ans de rechutes locales était de 6 % dans le groupe Pré, contre 13 % dans le groupe Post (p = 0,006) ;
- des effets toxiques aigus de grade III ou IV sont survenus chez 27 % des patients du groupe Pré et 40 % des patients du groupe Post (p = 0,001) ; les taux correspondants d'effets toxiques à long terme étaient de 14 % (groupe Pré) et 24 % (groupe Post) (p = 0,01).
Moins d'échecs au niveau local, moindre toxicité.
« Nous avons confirmé que la radiochimiothérapie, administrée selon la planification (c'est-à-dire sans modification ou réduction des doses) chez la plupart des patients de ce groupe (89 %), réduit significativement les taux d'échec local et d'effets toxiques aigus et à long terme », soulignent les auteurs.
Pour les patients chez lesquels le chirurgien estimait nécessaire une excision abdomino-périnéale, le taux de chirurgie de préservation du sphincter était plus que doublé après radiochimiothérapie préopératoire. Le fait de différer la chirurgie de six semaines (le temps d'un traitement néoadjuvant) plus six semaines complémentaires (pour donner à la tumeur le temps de fondre et pour récupérer des effets secondaires) n'a pas provoqué d'augmentation des complications chirurgicales ou d'augmentation de l'incidence de la progression des tumeurs.
« En conclusion, même si l'on n'a pas obtenu un gain sur la survie avec la radiochimiothérapie préopératoire par rapport au même traitement postopératoire, nous suggérons que la radiochimiothérapie préopératoire est le meilleur traitement pour les patients ayant un cancer rectal localement avancé, étant donné qu'il est associé à une meilleure compliance globale, une amélioration du contrôle local, une réduction de la toxicité et une augmentation de la préservation du sphincter », concluent les auteurs.
«New England Journal of Medicine » du 21 octobre 2004.
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