Emetteurs ß–
Les métastases osseuses sont présentes dans 40 à 50 % des cancers, essentiellement le cancer du sein et le cancer de la prostate. La douleur est un signe révélateur fréquent. C’est aussi un des facteurs les plus importants d’altération de la qualité de la vie des patients.
Le principe de la radiothérapie interne des métastases osseuses repose sur l’administration de produits radiopharmaceutiques à tropisme osseux capables de se fixer sélectivement sur les métastases, émetteurs ß–, dont les électrons ont un parcours moyen de 3 à 7 mm. En déposant leur énergie, les électrons réalisent une irradiation locale élevée et sélective. Une injection unique permet d’atteindre des métastases multiples et disséminées. Un effet antalgique est obtenu dans 75 % des cas, avec une efficacité complète dans 20 à 35 % des cas (1). Il s’agit donc d’un traitement palliatif efficace. Une activité antitumorale est possible mais non prouvée.
Les produits disponibles
Les produits actuellement disponibles sur le marché français sont le strontium 89 (Métastron, Amersham Health* UK, 1993) et un phosphonate marqué par le samarium 153 (153 Sm–EDTMP, Quadramet, Cis bio international* France 1998). L’AMM de Métastron est limitée au traitement antalgique des métastases osseuses d’origine prostatique en échappement hormonal. L’AMM de Quadramet s’étend aux métastases osseuses fixant les phosphonates, détectables par la scintigraphie osseuse classique, quelle que soit leur origine : sein, prostate, rein, poumons (2). Le coût du traitement varie entre 1 000 et 1 500 euros en fonction du produit et de la quantité de radioactivité utilisée. Le strontium 89 est un émetteur ß – pur, de période longue (50,5 jours), délivrant une irradiation prolongée à bas débit, pour une quantité de radioactivité administrée faible (150 MBq). Le samarium 53 est un émetteur mixte ß– et gamma, de période courte (46,3 heures), délivrant une irradiation brève à haut débit, pour une quantité de radioactivité plus élevée (37 MBq/kg). L’émission gamma du samarium 153 permet de réaliser une scintigraphie osseuse de contrôle et éventuellement une dosimétrie (figure 1).
Traitement simple et bien toléré...
En pratique, après contrôle de l’hémogramme et de la fonction rénale, le traitement est administré en externe, dans le service de médecine nucléaire. Après l’injection intraveineuse, le patient est retenu pendant six heures pour permettre la collecte des urines contaminées par la radioactivité et une scintigraphie de contrôle dans le cas du Quadramet. Des recommandations écrites d’hygiène de radioprotection lui sont remises à son départ du service. Les effets secondaires consistent, de façon constante, en une baisse des trois lignées sanguines de l’ordre de 30 %, réversible en trois à six mois, et dans un petit nombre de cas, en une exacerbation des douleurs dans les huit jours suivant le traitement ( «flare syndrom»). Le traitement est renouvelable, avec un intervalle minimal de huit semaines pour le Quadramet*, de trois mois pour le Métastron*.
... mais sous-utilisé
La radiothérapie interne est utilisée le plus souvent tardivement dans des situations évoluées, en cas d’intolérance ou d’échec des antalgiques opiacés. La tendance actuelle est de l’utiliser plus précocement pour retarder le recours aux antalgiques opiacés et la survenue des douleurs osseuses. Par exemple, dès l’apparition d’une localisation osseuse douloureuse d’un cancer de la prostate en échappement hormonal, on pratiquera une scintigraphie osseuse pour confirmer l’atteinte métastatique et préciser s’il s’agit d’une localisation unique ou de métastases multiples : en cas de métastase unique, une radiothérapie externe localisée sera indiquée ; en cas de métastases multiples, la radiothérapie métabolique sera pratiquée, même lorsqu’un seul des sites métastatiques est douloureux (3).
Des perspectives de traitement curatif ?
Il s’agit, pour l’avenir, d’accroître l’efficacité antalgique et de viser une action tumoricide. Les voies de recherche sont le développement de molécules radiomarquées par des émetteurs ß– de haute énergie comme le rhénium 188 (4) ou des émetteurs alpha comme le radium 223, l’administration précoce ou associée avec celle d’une chimiothérapie ou d’agents de radiosensibilisation.
Conclusion
En conclusion, la radiothérapie interne représente une méthode simple, bien tolérée et efficace pour la prise en charge de la douleur des métastases osseuses multiples. Actuellement, cette technique semble sous-utilisée ; elle devrait être plus largement prescrite au bénéfice de la qualité de vie d’un plus grand nombre de patients.
Service d’imagerie nucléaire et ultrasons.Hôpital Bretonneau, CHU Tours.
(1) A. N. Serafini, S. J. Houston, I. Resche, D. P. Quick, F. M. Grund, P. J. Ell, A. Bertrand, F. R. Ahmann, E. Orihuela, R. H. Reid, R. A. Lerski, B. D. Collier, J. H. McKillop, G. L. Purnell, A. P. Pecking, F. D. Thomas, K. A. Harrison. Palliation of Pain Associated with Metastatic Bone Cancer Using Samarium-153 Lexidronam : a Double-Blind Placebo-Controlled Clinical Trial. « J Clin Oncol », 1998 ; 4 :1574-81.
(2) H. Ratsimanohatra, F. Barlesi, C. Doddoli, S. Robitail, C. Gimenez, J. P. Kleisbauer, P. Astoul. Use of 153Sm-EDTMP to Relieve Pain from Bone Metastasis in Lung Cancer. « Rev Mal Respir », 2005 ; 22 : 317-20.
(3) F. Kraeber-Bodéré, L. Campion, C. Rousseau, S. Bourdin, J. F. Chatal, I. Resche. Traitement des métastases osseuses d’origine prostatique par le chlorure de strontium 89 : efficacité en fonction du degré d’envahissement osseux. « Médecine nucléaire, imagerie fonctionnelle et métabolique », 2000 ; 24 : 153-62.
(4) K. Liepe, R. Runge, J. Kotzerke. Systemic Radionuclide Therapy in Pain Palliation.
« Am J Hosp Palliat Care », 2005 ; 6 : 457-64.
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