QU'IL Y AIT ENCORE des machistes en France, nul ne le conteste ; qu'il y ait eu, dans les analyses de la campagne électorale, des explications sur les revers de Ségolène Royal fondés sur un sexisme insidieux, c'est probable ; que la campagne électorale ait rassemblé des forces uniquement vouées à abattre une femme parce qu'une femme ne saurait briguer la magistrature suprême, c'est complètement faux.
Mme Royal ne mérite, en tant que candidate, ni privilèges particuliers liés à sa féminité, ni le traitement sévère que dicterait le fait qu'elle n'est pas un homme. Au contraire, il nous semble que, lorsqu'elle a déclaré sa candidature, le fait que, pour la première fois, une femme se présentait a joué énormément en sa faveur ; de cela non plus nous ne devons pas nous méfier. Un candidat va à la bataille avec son discours, avec son look, avec ses moyens intellectuels, avec son sens de la répartie, avec son charme ou son manque de charme.
LA SALUT DEFERENT A UNE JOLIE FEMME N'EST PAS SEXISTE, PAS PLUS QUE NE L'EST LA CRITIQUE POLITIQUE
Le physique d'un candidat.
En conséquence, nous ne croyons pas céder aux vieux réflexes machistes quand nous nous déclarons sensibles à la beauté de Mme Royal ; la beauté d'une personne alimente parfois des conversations entre hommes, mais aussi entre femmes ; de même qu'un candidat séduisant sait qu'il a été doté par dame Nature d'un avantage inné. Il suffit d'avoir observé les efforts grotesques de Silvio Berlusconi pour paraître plus jeune et plus mince pour se convaincre que le physique joue un rôle dans la popularité d'un personnage politique.
Les femmes qui s'énervent.org ne lisent probablement pas cette chronique et leurs reproches ne nous sont donc pas adressés. Cependant, nous n'avons jamais caché que la candidature d'une femme nous séduisait d'emblée en dehors de toute considération idéologique : nous y voyions un changement d'importance historique non parce que, comme nous l'avons dit, la gauche était une femme, mais parce que l'approche exclusivement féminine des affaires françaises pouvait être différente. En d'autres termes, il nous a paru que la candidature de Mme Royal représentait une rupture beaucoup plus forte que celle que préconisent, chacun à sa manière, Nicolas Sarkozy et François Bayrou.
En outre, dès les premières semaines qui ont suivi l'annonce de sa candidature, Ségolène Royal a montré à l'opinion sa grande indépendance d'esprit et sa volonté de n'accorder aucun respect aux dogmes si le pragmatisme indiquait une meilleure voie.
Les femmes aussi font la guerre.
Il demeure que Mme Royal n'est pas la première femme à briguer le pouvoir ni même à l'occuper. Les exemples passés ont administré la preuve que les femmes font des guerres, peuvent appliquer des politiques sociales extrêmement dures, et qu'on peut les haïr au point de les assassiner. Elles ne lancent pas des programmes nécessairement différents de ceux des hommes et elles peuvent avoir des attitudes très sévères. Comment commenter ces évidences sans ajouter que c'est très bien ainsi et qu'il ne faut jamais préjuger de ce que fera une femme sous prétexte qu'il s'agit d'une femme ?
Autant nous nous sentons libres d'exalter la grâce et le sourire de Mme Royal, ne serait-ce que parce qu'il faudrait une bonne dose d'hypocrisie pour les ignorer, autant nous nous jugeons libres de critiquer certains discours ou certains actes quand ils nous paraissent ne pas convenir à ce dont le pays a besoin.
Nous continuons à penser que Mme Royal est très indépendante, mais qu'elle manque de cohérence et qu'elle n'est pas affranchie de l'influence du Parti socialiste ; de telle sorte qu'elle charrie à son tour quelques pesanteurs philosophiques qui ont été et sont encore nuisibles à l'intérêt de la société française. Nous pensons que ce pays doit s'arracher à des idées qui lui ont fait perdre du temps et de l'argent et qu'il doit ses présentes vicissitudes à la complaisance qu'il a eue pour ces idées ; que, en conséquence, il existe, dans la générosité égalitaire, un danger très grave, à savoir que l'on donne ce que l'on n'a pas et qu'il faudra désormais ne donner que ce que l'on crée. Il ne nous semble pas que Mme Royal, dans la fièvre de la campagne, se soit bien expliquée à ce sujet ni qu'elle ait promis, comme l'a fait pourtant Dominique Strauss-Kahn, « de ne pas distribuer une richesse que nous n'avons pas produite».
De même qu'on attribue au machisme des critiques qui auraient plu sur un candidat socialiste masculin, de même on attribue à une « nouvelle pensée unique » les remèdes que dictent la mondialisation et la perte de compétitivité de la France. C'est faux. La pensée unique française n'a pas changé : elle consiste à se ranger dans la catégorie des âmes charitables : plus je suis généreux avec mon voisin et plus je suis content de moi. Non. Il ne faut pas donner de l'argent, mais des emplois ; pas des aides, mais des moyens de s'aider soi-même.
Nous pensons que Ségolène Royal peut triompher de tous les obstacles si elle consent, même maintenant, à annoncer une « politique juste », comme elle réclame un « ordre juste ». Une politique juste consiste à faire ce qui est possible, pas à se donner bonne conscience.
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