Jacques Chirac et Tony Blair nous ont offert récemment deux formes distinctes, mais tout aussi réussies, de leadership. Le premier a satisfait la profonde aspiration des Français à empêcher une guerre ; le second a décidé de la faire en dépit de son opinion publique et d'une fraction importante de son propre parti.
La logique exige qu'un chef d'Etat ou de gouvernement fasse la politique pour laquelle il a été élu. Mais, d'une part, il n'est pas sûr qu'un candidat élu applique son programme, ni même que ses électeurs aient lu attentivement ce programme ; et, d'autre part, aucune plate-forme ne peut prévoir des événements aussi inattendus que les attentats du 11 septembre ou la guerre contre l'Irak.
En outre, il est admis que le leadership ne se limite pas à la satisfaction des volontés du peuple, pour autant que ces volontés puissent être clairement définies et former un tout intangible. Quand le Labour a pris le pouvoir au Royaume-Uni, c'était moins pour ses mérites que parce que les Britanniques étaient las d'une très longue période de conservatisme. Ils en étaient las, mais leurs nouveaux dirigeants travaillistes, loin de défaire ce qu'avaient fait Margaret Thatcher et John Major, ont tiré le meilleur parti, en termes de croissance, de la révolution libérale engagée par leurs prédécesseurs.
De la même manière, la prudence tactique de Jacques Chirac fait de lui, et malgré les réformes auxquelles procède son gouvernement, un président très soucieux des acquis sociaux. Quelqu'un a écrit que le gouvernement actuel est le plus « à gauche » que la droite pût produire.
Les références historiques ne manquent pas : c'est un Israélien de droite, Menachem Begin, qui a fait la paix avec l'Egypte ; c'est Richard Nixon qui a renoué avec la Chine populaire ; c'est François Mitterrand qui a aboli la peine capitale contre l'avis de deux Français sur trois.
Le leadership peut donc consister à faire l'inverse de ce pour quoi on a été élu. Il peut consister à entraîner un peuple sur un terrain où le peuple aurait préféré ne pas s'aventurer. Comme le dit si bien Jean-Pierre Raffarin, ce n'est pas la rue qui gouverne. Et gouverner, c'est parfois prendre des responsabilités dans une affaire imprévue.
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