L’UNION SYNDICALE de la psychiatrie (USP) demande le retrait du projet de loi de prévention de la délinquance (« le Quotidien » du 29 mai), «et plus particulièrement de toutes les références sanitaires ou à des supposés soins». Les propos rassurants du ministère de l’Intérieur et du Comité interministériel de prévention de la délinquance n’y ont rien fait. Les modifications apportées laissent «inchangées les grandes orientations du texte (sur le fond comme sur la forme)» qui sera discuté en première lecture par les sénateurs les 13 et 14 septembre. «La confusion est toujours entretenue entre la délinquance, la précarité, la fragilité, l’absentéisme scolaire, la santé mentale voire l’immigration», dit l’USP. La notion de dégénérescence, qui nourrit une conception de l’homme d’une autre époque, serait-elle à nouveau au goût du jour ? interpelle le Dr Pierre Paresys, son président.
Internement facilité, obligation de soins généralisée.
Autre point noir du projet Sarkozy, qui fait l’unanimité au sein du gouvernement : la prévention de la délinquance est utilisée pour réformer l’organisation des soins en santé mentale ainsi que la loi du 27 juin 1990 sur la psychiatrie. «On facilite les modalités de l’internement, y compris sans avis médical, en recourant à une garde à vue de 72h en milieu sanitaire.» En outre, poursuit le Dr Paresys, «on observe une généralisation de l’obligation de soins face aux problèmes d’alcool, de toxicomanies et de violences conjugales. Or la méthode paraît plus préjudiciable qu’autre chose, sauf pour une période limitée. Tout, en fait, reste dans la vague, mais il semble clair qu’on entend se servir des psychiatres dans un contexte de contrôle social qui parasite l’intervention médicale dès lors que l’obligation de soins se prolonge.»
La prévention de la délinquance, c’est également la mise en place d’un fichier des hospitalisations d’office à l’échelon national, alors que, pour l’instant, il est établi au plan départemental. «C’est grave. Car, même s’il est spécifié que le fichier ne pourra pas contenir des informations personnelles et sur la santé, il constitue une stigmatisation de la personne concernée.»
A un autre niveau, l’absentéisme scolaire n’échappe pas au fichage, fait remarquer le psychiatre. «Et le contrat de responsabilité parentale, qui lui aussi pointe du doigt les plus démunis, en les sanctionnant*, participe du même état d’esprit.»
La menace est jugée non moins «gravissime» en ce qui concerne le secret professionnel, devenu «secret partagé» entre deux travailleurs sociaux au minimum en cas de situation grave . «Le secret d’une hospitalisation d’office, ou de n’importe quel problème de santé, sera vite éventé. Et qui contrôlera la parole d’un travailleur social auditionné par un juge?»
Pour le responsable de l’USP, tout concourt à dissuader, en somme, les plus fragiles, les plus démunis, de s’en remettre à un travailleur social, à un centre médico-psychologique ou à un médecin, à partir du moment où un fichage est à la clé. «Dans ces conditions, il est à craindre que les populations concernées choisissent de faire l’impasse sur les prestations sociales et la santé», estime le Dr Pierre Paresys, qui va jusqu’à accuser les pouvoirs publics d’ «eugénisme social».
* Le contrat de responsabilité parentale est instauré par un décret publié au « Journal officiel » du 2 septembre. Le dispositif, applicable notamment en cas d’absentéisme scolaire ou de « trouble porté au fonctionnement d’un établissement scolaire », oblige les parents à s’engager sur une modification du comportement de leur enfant. Le non- respect du contrat peut entraîner la suspension des prestations familiales.
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