Pour sortir la psychiatrie publique de Paris de la « crise majeure » qu'elle traverse, les médecins demandent un budget plus élevé et des alternatives à l'hospitalisation. Ils refusent « les restructurations à moyens constants ou descendants » et préviennent que si elles continuent, la révolte sera inévitable.
Ces réclamations ont un air de déjà vu. Et pour cause : rien n'a changé depuis 1994, alors que les psychiatres sont déjà montés au créneau neuf fois, explique le Dr Norbert Skurnik, président du Syndicat des psychiatres de secteur, qui cette fois espère bien attirer l'attention des pouvoirs publics. Depuis la sortie du livre blanc de la psychiatrie de secteur à Paris, en 2001, la situation n'a fait qu'empirer, poursuit son confrère le Dr Michel Caire, de la Société médicale des psychiatres des hôpitaux des secteurs de Paris.
« Nous assistons à l'explosion de la demande psychiatrique en urgences, en consultation et en hospitalisation sous contrainte », dit-il. Or parallèlement, « le budget s'effrite, ce qui conduit à une baisse des effectifs soignants. Alors quand, en plus, on nous demande de nous restructurer, on court à la catastrophe ». Pour Michel Caire, cette situation alarmante tient au fait que les particularités de Paris dans le domaine de la psychiatrie (taux d'internement record, problèmes sociaux démultipliés, grand déficit en structures alternatives à l'hospitalisation) n'ont pas été prises en compte.
Entre 1989 et 2000, poursuit le président du Syndicat des psychiatres d'exercice public, le Dr Eric Malapert, le nombre de lits d'hospitalisation a diminué de 46 % à Paris, tandis que la file active du secteur (le nombre d'individus pris en charge par an) a bondi de 56 %. Entre 1990 et 2000, 45,2 emplois médicaux à plein temps ont été perdus, soit 8 % de la population des psychiatres parisiens. Plus dramatique, la pénurie en infirmiers psys ne cesse de s'accroître. A l'hôpital d'Esquirol, dans le Val-de-Marne, par exemple, 70 postes sur 340 ne seraient pas pourvus ; à l'hôpital de Perray-Vaucluse (Essonne), 100 postes infirmiers sur 500 seraient vacants. Découragés par le coût de la vie et l'absence d'aides (logement, transports, crèches...), les infirmiers désertent l'Ile-de-France à la première occasion, constatent les psychiatres. Avec pour conséquence une dégradation des conditions de travail, des « burn out » (arrêts pour fatigue nerveuse) de plus en plus fréquents, des départs à la retraite anticipés. « La dégradation de la qualité des soins est réelle, nous sommes parfois à la limite, question sécurité », dit le Dr Malapert.
Le président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux, le Dr Jacques Fortineau, déplore également l'absence de moyens pour la prévention. « On n'a pas le temps d'aider les écoliers en souffrance, pas l'effectif suffisant pour envoyer un infirmier dans les crèches ou les PMI, pas de place pour les adolescents dans nos hôpitaux de jour saturés. D'ailleurs, seule une demande sur trois pour autisme ou psychose est satisfaite à Paris. Ainsi, on crée de futurs patients pour les services adultes : c'est intolérable. »
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