Une centaine de psychiatres des 4 unités (pénitentiaires) pour malades difficiles (1) et des 26 services médico-psychologiques régionaux sont implantés dans des maisons d'arrêt. Ils ont pour tâche, dans un cas, de soigner des psychotiques hospitalisés d'office, pendant des séjours moyens de 3 à 6 mois, et, dans l'autre, de s'occuper du quart des 48 000 prisonniers ayant des troubles psychiatriques.
Ils s'interrogent sur le « détournement de mission » dont sont l'objet la prison et l'hôpital psychiatrique, où l'on voit peu à peu disparaître, au fil des ans, les infirmiers hommes et qui commence à sortir de ses murs pour s'ouvrir à la médecine ambulatoire. Ce que confirme le tout récent plan de rénovation triennal de Bernard Kouchner (« le Quotidien » du 15 novembre).
Pendant ce temps, le pénitencier devient, de facto, un refuge pour des sujets atteints de troubles comportementaux. Or, cette situation, aggravée par de fréquents verdicts où les criminels-malades mentaux sont rendus responsables de leurs actes (« le Quotidien » du 21 octobre), inquiète les spécialistes réunis au sein de l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (2), et dont les 13es Rencontres nationales consacrées aux « Dangerosités » se sont déroulées à Paris du 19 au 21 novembre.
« En Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, où la suppression des structures psychiatriques fermées est une réalité, dit au « Quotidien » le Dr Christiane de Beaurepaire, 30 % des détenus sont des cas psychiatriques réels. La France souhaite-t-elle en arriver là ? Sans compter, poursuit la praticienne de l'UMD Henri-Colin à Villejuif, que, dans l'étude des comportements violents, nous en sommes à la préhistoire. Lorsque nous avons affaire à une pathologie psychiatrique lourde (troubles délirants ou de l'humeur, ou troubles anxieux nosographiquement identifiés), les choses sont simplifiées. Nous savons traiter les patients. Encore faut-il disposer d'établissements adaptés, de personnels et d'une durée de séjour à la carte. »
Avec l'immense majorité des prisonniers qui ne se trouvent pas en UMD, c'est beaucoup plus délicat à gérer. A la notion de « dangerosité psychiatrique », on a substitué une « dangerosité criminologique » qui renvoie à des « facteurs situationnels » (surmenage, perte de travail, conflits, etc.) et des « facteurs de vulnérabilité psychologique », tels que le stress.
Quant à la volonté des cours de justice de responsabiliser les malades mentaux-criminels, elle s'oppose à « la tradition humaniste et médicale » selon laquelle un assassin atteint de troubles psychiatriques ne peut être mis en prison. Mais elle répond au « courant actuel victimologique et psychanalytique ».
« Il serait temps », insistent le Dr Christiane de Beaurepaire et ses confrères, que les politiques prennent conscience que la disparition de structures de soins psychiatrique adaptés en milieu fermé « est contemporaine de l'émergence dans la population carcérale de personnes présentant des troubles mentaux ».
De même, relève l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, il conviendrait que la société s'interroge sur les effets des « facteurs sociologiques », liés par exemple à la mondialisation et susceptibles de conduire à l'apparition de comportements déviants, comme le terrorisme, le sectarisme et la toxicomanie. Les psychiatres eux-mêmes en sont, là encore, à la préhistoire en matière de compréhension des comportements.
(1) UMD : Villejuif (Val-de-Marne), Cadillac (Gironde), Montfavet (Vaucluse) et Sarreguemines (Moselle) ; 400 places au total et environ 25 psychiatres.
(2) Tél. 01.55.17.22.22.
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