POUR SES 54es Journées de formation continue, organisées à Toulouse jusqu'au 28 septembre, la Fédération d'aide à la santé mentale (Fasm) Croix-Marine a choisi pour thème « le risque ». Un mot comme un signal d'alerte, à un moment où les effectifs de la psychiatrie sont révisés à la baisse (encadré).
« La notion de risque résonne avec la complexité de la maladie psychique, les avatars de la relation thérapeutique, les exigences éthiques et les perspectives paralysantes de la responsabilité médico-légale », rappelle l'argument scientifique de ces Journées.
Eviter le piège sécuritaire.
En termes sécuritaires, le risque, c'est le patient qui fugue, agressif ou violent. Et, au bout de la chaîne médico-sociale, la stigmatisation du fou dangereux par la médiatisation de ce qui devient un fait-divers. « C'est ça le risque, et il nous faut le dépasser », dit au « Quotidien » le Dr Bernard Durand, président de la Fasm Croix-Marine, médecin médiateur à l'hôpital intercommunal de Créteil (Val-de-Marne). « Malgré les dérives, la tolérance à l'égard de la maladie mentale est meilleure au fil du temps », reconnaît le psychiatre. Mais il y a aussi « le risque de l'insuffisance professionnelle face à une situation difficile.Hier, un soignant faisait le choix de son métier, bénéficiant d'une expérience transmise de génération en génération. Ce temps-là est révolu. Gagné par la peur, l'infirmier est incapable d'entrer sereinement dans un service de psychiatrie et de savoir ce qu'il faut y faire ».
D'où la nécessité de former des formateurs, afin que le soignant ait les moyens de « conduire un entretien et qu'il sache se situer face à un sujet angoissé. Il lui faut reconnaître l'angoisse et en parler avec le patient ». L'idéal serait d'instaurer, à la fin des études initiales, une formation complémentaire à la relation en santé mentale, suggère le Dr Bernard Durand, membre de la Mission d'appui en santé mentale (1). En tout cas, pour gérer le risque sans tomber dans le piège sécuritaire, la meilleure voie est celle de l'éthique.
Savoir prendre de bons risques.
Un autre danger à éviter pour les thérapeutes de la santé mentale est celui de se laisser envahir par des contraintes administratives, parfois absurdes. Un exemple en est donné par la réglementation touchant aux « ateliers cuisine », des établissements pour malades mentaux qui exclut l'usage des œufs entiers au profit de la poudre d'œuf. En fait, il faut savoir prendre de bons risques au bon moment, « au nom de la dynamique de l'échange avec le patient », explique le psychiatre. Mieux vaut prendre de vrais œufs pour faire une omelette.
Il en va de même avec les sorties. Elles font partie du cheminement thérapeutique, et il n'est pas profitable d'en priver le patient et l'équipe soignante, pour des motifs sécuritaires.
Enfin, le plus élémentaire des risques à prendre, et le plus bénéfique, est de tendre la main aux travailleurs sociaux et aux associations de patients. Les groupes d'entraide mutuelle, mis en place par une circulaire de Xavier Bertrand le 29 août dernier, sont là pour ça. Les soignants ne sont plus les seuls à accompagner la personne souffrant d'une affection mentale. « Ne cédons pas aux sirènes de la médicalisation de la psychiatrie, insiste le Dr Bernard Durand (2), d'autant plus qu'une grande partie de la vie du malade se passe dorénavant en dehors du champ de la psychiatrie. ».
Pour la Fédération d'aide à la santé mentale Croix-Marine, la psychiatrie doit s'ouvrir au médico-social pour mieux prendre en compte le nomadisme des patients que la fermeture des lits a progressivement remis à la rue.
(1) Créée en 1993, la Mission d'appui en santé mentale est rattachée au ministère de la Santé. Elle est chargée d'aider à l'évolution et à la planification des soins en psychiatrie.
(2) Le Dr Bernard Durand est expert visiteur à la Haute Autorité de santé.
Le dispositif de soins
- Public (et assimilé) : 6 000 psychiatres, 5 800 lits. 2 millions de patients pris en charge annuellement, pour moitié par les secteurs adultes (couvrant chacun 70 000 habitants) et les intersecteurs infanto-juvéniles (210 000 habitants). Chaque secteur adulte compte 84 équivalents temps plein soignants (50 pour les moins de 20 ans), dont les deux tiers d'infirmiers, et 6 équivalents temps plein médecins.
A cela s'ajoutent des structures de soins intersectorielles.
- Privé : 6 000 psychiatres, dont 76 % conventionnés en secteur I. 2 millions de patients par an. 140 établissements (10 600 lits).
- Hospitalisations : de l'ordre de 430 000 chaque année, dont 60 000 sans consentement.
Sept mille cinq cents psychiatres en 2020 : selon la politique de santé définie au début de la décennie actuelle, les effectifs de psychiatres vont baisser de 40 % en vingt ans. Déjà, on observe des déserts psychiatriques dans le nord et l'ouest du pays.
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