La psychiatrie doit sortir de l’hôpital

Publié le 20/12/2011
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Crédit photo : DR

Si des progrès ont été concrétisés grâce au premier plan santé mentale, « ils n’ont pas été assez étendus pour modifier significativement l’état des lieux que le plan lui-même avait lucidement dressé en 2005, marqué par l’insuffisance persistante de structures alternatives à l’hospitalisation en amont, comme en aval », résume Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes.

Après avoir mené l’enquête sur le terrain, la Cour constate que l’hospitalisation complète reste le mode de prise en charge privilégié, et ce malgré une réduction importante du nombre de lits depuis plus de 30 ans. « Les séjours prolongés sont trop nombreux et la réinsertion sociale des patients qui les subissent est rendue plus difficile par l’hospitalisation elle-même », souligne Didier Migaud.

Cette primauté à l’hospitalisation complète créé un cercle vicieux qui alimente la saturation des lits, mobilise un nombre important de professionnels et limite les moyens affectés non seulement à l’extrahospitalier mais aussi à la prévention. Selon la Cour des comptes, en France, près de 10 000 patients seraient hospitalisés depuis longtemps en service psychiatrique aigu alors que leur état de santé permettrait une prise en charge via des structures alternatives. « En dépit des objectifs du plan, l’insuffisance des ressources affectées aux structures extrahospitalières, notamment aux centres médico-psychologiques (CMP), conduit à des délais d’attente tout à fait excessifs pour obtenir une première consultation psychiatrique », souligne le président de la Cour.

Soins en prison.

En perspective du prochain plan santé mentale, en cours d’élaboration du côté du ministère de la Santé, il est plus que jamais urgent de « développer les conditions d’un réel transfert des moyens de l’hospitalisation complète vers les alternatives par ailleurs moins coûteuses », indique la Cour des comptes. En effet, le mode de financement actuel de la psychiatrie « fournit aux établissements des enveloppes globales reconduisant parfois des inégalités anciennes entre eux ». Et dans près des deux tiers des régions, l’hospitalisation complète a bénéficié de la plus grande partie des financements.

S’agissant de la psychiatrie publique, de 2004 à 2008, l’augmentation de l’enveloppe de l’assurance-maladie qui finance les soins a été de 9,5 % (contre + 14,3 % pour les financements hospitaliers toutes disciplines confondues et + 32,3 % pour la psychiatrie privée), ce qui relativise l’effet du plan en matière de crédits de fonctionnement. La Cour s’est également penchée sur l’organisation des soins en prison, pointant des disparités persistantes de prise en charge des détenus souffrant de pathologies mentales. Outre un nombre de psychiatres travaillant en milieu pénitentiaire parfois insuffisant, la coordination entre membre des équipes médicales, services sociaux et pénitentiaires n’est pas vraiment optimale. Pour la Cour, une « meilleure coordination entre administration pénitentiaire et professionnels » s’avère nécessaire afin « d’améliorer notamment la gestion du temps de consultation dans les établissements pénitentiaires ». Enfin, au-delà d’un prochain plan santé mentale, « il serait aussi souhaitable que soit définie et concrétisée une politique globale en matière de psychiatrie qui décrive ses missions, ses principes et son organisation », souligne Didier Migaud. Le dernier texte général de politique psychiatrique remontant à 1990.

> Voir notre dossier « Psychiatrie : le changement dans la douleur »

DAVID BILHAUT

Source : lequotidiendumedecin.fr