DE NOTRE CORRESPONDANTE
«NOUS AVONS identifié une mine d'or de nouvelles cibles pour le traitement de la sclérose en plaques. L'une des cibles est une molécule traditionnellement identifiée avec la cascade de coagulation», explique au « Quotidien » le Pr Lawrence Steinman, de l'université de Stanford en Californie, qui publie ce nouveau travail dans « Nature ».
«Notre prochain objectif est d'amener la protéineC activée dans un essai clinique pour la sclérose en plaques», fait-il entrevoir. «Nous voulons également explorer d'autres nouvelles protéines découvertes dans cette recherche protéomique. »
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie démyélinisante inflammatoire du système nerveux central (SNC) qui évolue par poussées entrecoupées de rémissions. Les symptômes sont très variables, avec des troubles de la motricité, de la vision et de l'équilibre, ainsi que des troubles sensitifs et génito-urinaires.
Elle touche environ une personne sur mille et se manifeste généralement entre 20 ans et 40 ans. L'origine de cette maladie multifactorielle demeure mystérieuse et il n'existe pas, à ce jour, de traitement pouvant guérir la SEP.
Une meilleure compréhension de la neuropathologie de la SEP pourrait permettre de développer des traitements ciblés plus efficaces.
Lawrence Steinman et son équipe se sont intéressés à caractériser les protéines spécifiquement exprimées (protéome spécifique) dans les lésions cérébrales des patients atteints de SEP.
Pour cela, ils ont étudié histologiquement des échantillons de lésions de SEP (issus d'autopsies) provenant de 6 patients ayant différentes formes cliniques (aiguë, chronique, progressive, rémittente-progressive).
Un nouveau monde.
Ces lésions ont été classées en trois types majeurs : plaque aiguë, plaque chronique active et plaque chronique. Ils ont analysé également des échantillons cérébraux normaux de deux sujets témoins.
Après avoir isolé ces lésions de la substance blanche adjacente (grâce à la microdissection au laser), ils ont analysé l'ensemble des protéines exprimées dans les échantillons tissulaires (analyse du protéome par spectrométrie de masse).
Ils ont ainsi pu identifier des protéines qui sont spécifiques de chaque type de plaque : 158 pour la plaque aiguë ; 416 pour la plaque chronique active ; et 236 pour la plaque chronique.
«Le protéome spécifique des lésions révèle un “nouveau monde” », notent les chercheurs.
Plus de la moitié de ces protéines identifiées dans les trois lésions SEP sont de fonction inconnue.
De façon intéressante, parmi les protéines dont la fonction est connue, cinq interviennent dans la coagulation : facteur tissulaire, inhibiteur de la protéine C, thrombospondine, fibronectine et vitronectine. Ces protéines de la coagulation sont spécifiquement associées aux plaques chroniques actives.
«La présence combinée du facteur tissulaire et de l'inhibiteur de la protéineC dans les plaques chroniques actives suggère la formation de thrombine pro-inflammatoire, et la suppression de la voie de la protéineC», notent les chercheurs.
Les chercheurs ont ensuite validé le rôle thérapeutique potentiel de ces deux cibles dans un modèle expérimental de SEP (encéphalomyélite auto-immune expérimentale chez la souris).
Le traitement des souris malades par administration d'hirudine (inhibiteur de la thrombine), ou d'une forme recombinante de la protéine C activée, a considérablement amélioré la maladie ; cela s'accompagnait d'une baisse de la prolifération des cellules immunes et d'une réduction des foyers inflammatoires.
La première des nombreuses découvertes.
Leur analyse suggère que la protéine C activée pourrait améliorer la maladie grâce à la fois à ses propriétés anticoagulantes et à son signal.
«Ces protéines de fonctions connues, comme celles de la cascade de coagulation, jouent clairement des rôles pathobiologiques nouveaux et peut-être inattendus. L'intersection de la cascade de coagulation et de l'inflammation dans la SEP est la première des nombreuses découvertes qui émergeront d'un tel catalogue de protéines», notent-ils.
« Nature », 18 février 2008, Han et coll., DOI : 10.1038/Nature 06559.
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