DE NOTRE CORRESPONDANTE
SI LES ANTIRÉTROVIRAUX sont efficaces pour réduire, jusqu'à la non-détection, le taux de VIH circulant dans l'organisme, le VIH persiste, caché à l'état « dormant » dans les lymphocytes T CD4+.
La persistance de ces réservoirs de virus latent représente le principal obstacle à l'éradication du virus et à la guérison de l'infection par le VIH.
On comprend l'espoir mis dans la prostratine (12-desoxyphorbol-13-phénylacétate), actuellement en développement préclinique.
Certaines études ont indiqué que ce dérivé du phorbol, non cancérogène, active invitro l'expression de VIH1 dans les cellules infectées de façon latente.
Un tel agent capable d'expulser le virus latent de ses réservoirs pourrait, s'il est adjoint au traitement antiviral, permettre d'éradiquer le virus. Par ailleurs, la prostratine inhibe aussi l'entrée du VIH dans les cellules cibles, en diminuant l'expression des récepteurs à VIH (récepteurs CD4 et CXCR4).
Malheureusement, la quantité limitée de prostratine naturelle trouvée dans certaines plantes et extraite d'un arbre des îles Samoa a entravé les études sur son mode d'action et les recherches d'analogues cliniquement supérieurs.
Mais rappelons d'abord comment ce composé anti-VIH prometteur a été découvert dans une plante du Samoa. L'histoire est exemplaire.
Deux femmes guérisseuses.
Dans les années 1990, l'éthnobotaniste américain Paul Cox fait un séjour prolongé dans les îles Samoa (Polynésie) et s'intéresse à un remède local qui, selon deux femmes guérisseuses samoanes, permet de guérir des maladies comme l'hépatite aiguë (sans produire d'effets indésirables).
Ce remède local préparé à partir de l'écorce d'un arbre, le mamala, ou Homolanthus nutans, est expédié et analysé aux États-Unis (National Cancer Institute) en 1992.
Scrutée par les chimistes, la plante renferme une molécule connue, la prostratine, qui agit invitro sur l'infection par le VIH des lymphocytes humains.
En 1997, la prostratine fait l'objet d'une licence internationale par le National Cancer Institute, mais, sur la demande du Dr Cox, il est reconnu que, en cas de commercialisation, une partie « équitable » des revenus de la prostratine serait partagée avec les Samoans.
En 2001, l'ONG américaine ARA (AIDS Research Alliance) acquiert les droit d'exploitation de la prostratine et coordonne les recherches avec les compagnies pharmaceutiques et les laboratoires de recherche.
Vingt pour cent des revenus aux Samoans.
L'ARA signe une entente qui prévoit la remise de 20 % de tous les revenus commerciaux de la prostratine aux Samoans, y compris une petite fraction aux deux familles des guérisseuses qui sont à l'origine de la découverte et qui sont maintenant décédées. C'est sans doute une première mondiale et une percée pour les peuples indigènes.
Puisque la quantité de prostratine naturelle est trop faible, des laboratoires cherchent à synthétiser la prostratine.
L'équipe de Paul Wender, de l'université Stanford (Californie), décrit dans la revue « Science » une méthode pratique pour synthétiser la prostratine et son analogue, le DPP (4, 12, -desoxyphorbol-13-phénylacétate).
Huile de croton et céréales fourragères.
Cette synthèse peut se faire à partir du phorbol, disponible dans le commerce et pouvant être isolé de l'huile de croton ; le phorbol est converti par hydrolyse en crotophorbolone.
Alternativement, le crotophorbolone peut être obtenu à partir d'esters trouvés dans l'huile des graines de Jatropha curcas, des céréales fourragères abondantes développées comme biocarburant (biodiesel).Une série de réactions permet d'obtenir de la prostratine synthétique, identique à sa version naturelle, en quantité suffisante pour la recherche, et cette synthèse est suffisamment flexible pour accéder à de nouveaux analogues (12-desoxyphorbol).
«Cette synthèse pratique de la prostratine et d'autres analogues rend possible l'étude plus approfondie de leur mode d'action et l'identification de candidats supérieurs qui pourraient être utilisés pour le traitement de l'infection par le VIH», concluent les chercheurs.
Wender et coll. « Science », 2 mai 2008, p. 649.
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