DANS LE CONTEXTE AGITÉ de ces dernières semaines autour de la liberté d'installation, la proposition de loi du Dr Christian Ménard n'est pas passée inaperçue. Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 27 septembre – jour de l'entrée en grève des internes et des chefs de clinique, suivis par les étudiants en médecine –, ce texte a reçu l'aval de 110 députés de tous bords politiques. Pour lutter contre les déserts médicaux, Christian Ménard propose que les internes de médecine générale effectuent un stage obligatoire minimal de trois mois, «prioritairement dans une zone médicalement démunie, exclusivement consacré au remplacement d'un ou de plusieurs médecins généralistes». Le député du Finistère, qui a pratiqué la médecine générale pendant 33 ans, souligne que cette disposition, si elle venait à être appliquée, n'aurait «aucun coût pour la Sécurité sociale». Ce stage pourrait se substituer, selon le Dr Ménard, au stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (SASPAS) que peuvent effectuer les internes de médecine générale en fin de cursus. Le Dr Ménard reconnaît avoir deux objectifs avec ce stage dont la durée pourrait être modifiée : «Donner le goût aux internes d'exercer en médecine rurale» et «permettre aux médecins généralistes qui ne trouvent pas de remplaçants de pouvoir souffler un peu».
Enseignants et internes ne sont pas sur la même longueur d'ondes que l'initiateur de la proposition de loi. «C'est un projet absurde, s'insurge le Dr Vincent Renard, président du Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG). Mettre dans les zones sinistrées, où il y a beaucoup d'activité, des internes sans expérience en soins primaires, alors que c'est leur premier contact avec la profession, ne va certainement pas attirer les internes. Bien au contraire! Ils vont fuir la médecine générale pour éviter d'aller dans une zone qu'ils n'auront pas choisie. Il faut former les médecins dans leur lieu d'exercice, c'est vrai, mais pas dans ces conditions.»
Un stage contre-productif pour les enseignants et les internes.
Le stage proposé par l'élu UMP est non seulement perçu comme une nouvelle contrainte, mais il serait à l'heure actuelle illégal en mettant en situation d'autonomie les internes de médecine générale alors qu'ils n'ont pas achevé leur formation. «Pour le mettre en place, il faudrait aménager la loi», reconnaît le Dr Ménard. Pour Emmanuel Gallot, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), cette proposition de loi est «incohérente» et «montre tout le travail à effectuer auprès des parlementaires pour les persuader que ces mesures sont inefficaces car elles ne répondent pas aux problèmes posés». Internes et enseignants soulignent qu'il serait plus judicieux de promouvoir le stage de médecine générale pendant le 2e cycle des études médicales afin de faire découvrir leur discipline auprès des étudiants avant le choix de spécialité d'internat.
Fort du soutien qu'il a reçu dans l'hémicycle, Christian Ménard a adressé sa proposition de loi à Roselyne Bachelot et à Valérie Pécresse, toutes deux responsables de la formation des médecins au sein du gouvernement. Il convient que son texte, dont il souhaite inscrire le principe dans le code de l'Education, «doit être travaillé». «Cette proposition peut permettre, avec beaucoup d'autres, d'éviter que des mesures coercitives ne voient le jour si les internes restent à la campagne à l'issue de ce stage», indique le député. «S'il y avait des mesures aussi simplissimes pour résoudre le problème du système de soins, cela ferait longtemps que nous les aurions trouvées», répond le Dr Renard.
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