CELA NE CESSE de bouger dans le domaine du traitement hormonal substitutif de la ménopause (THS). Il avait en effet été décrié à la suite d'études WHI (2001) puis de Million Women Study qui montraient une augmentation du risque de cancer du sein chez les utilisatrices. Mais depuis, un renouveau s'est fait jour en 2005, avec ce que d'aucuns ont appelé « le THS à la française ». Il a mis en avant la supériorité d'un progestatif de type naturel, par rapport aux molécules de synthèse, sur le risque mammaire.
En début d'année étaient rapportées les premières données de l'étude E3N, une enquête épidémiologique auprès des adhérentes de la Mutuelle générale de l'Education nationale. Elles avaient été, en fait, divulguées six mois plus tôt, mais peu médiatisées. Françoise Clavel-Chapelon et son équipe (Inserm, IGR) rapportaient les données concernant 54 549 femmes ménopausées, issues dans une cohorte de 99 897 participantes. Elles sont nées entre 1925 et 1950 et sont suivies depuis 1990. Le suivi moyen était de 5,8 ans.
De 1990 à 2000, 948 nouveaux cancers.
Parmi ces mutualistes, 30 000 utilisaient un THS : 85 % une association œstroprogestative (progestatif de synthèse dans 65 % des cas, micronisé dans 20 % des cas) et 10 % prenaient un estrogène seul. En dix ans, soit de 1990 à 2000, 948 nouveaux cancers du sein ont été répertoriés. Avec une durée moyenne de traitement de 2,8 ans, le risque relatif de cancer du sein était globalement plus élevé chez les femmes sous THS que chez les autres : 1,2, soit une augmentation du risque de 20 %. Sous estrogène seul, le surrisque apparaissait minime, voire inexistant.
C'est de l'analyse plus détaillée qu'est arrivée la surprise. Tout d'abord, lorsque l'estrogène, oral ou transdermique, était associé à un progestatif de synthèse, les données rejoignaient celles de la littérature. Un risque relatif à 1,2 pour moins de deux ans de traitement. Il passait à 1,6 pour deux à quatre ans, atteignant 1,9 au-delà de quatre ans. En revanche, lorsqu'il s'agissait d'une progestérone micronisée à deux ans, il n'existait pas de surrisque de cancer du sein, le risque relatif étant même de 0,9. Restait à confirmer le résultat sur plus de quatre ans.
Il aura fallu attendre le mois d'octobre et le Congrès mondial de la ménopause, à Buenos Aires, pour avoir cette confirmation.
70 000 femmes pendant en moyenne 7,7 ans.
La cohorte avait pris de l'ampleur, puisque la surveillance a porté sur 70 000 femmes pendant en moyenne 7,7 ans, avec une durée de traitement moyenne de 5,5 ans ; le nombre total de cancers s'est élevé à 1 900. Françoise Clavel-Chapelon et Agnès Fournier (Inserm, Villejuif) ont présenté les analyses à l'échéance 2002. A ce terme, 33 % des utilisatrices de THS avaient une association estrogènes transdermiques-progestatif de synthèse ; 23 % associaient une progestérone micronisée ; 24 % prenaient un estrogène oral avec un progestatif de synthèse ; 2 % associaient une progestérone micronisée ; enfin, 2 % n'utilisaient que des estrogènes.
Ce suivi plus prolongé a montré un risque global de cancer du sein de 1,4, avec un intervalle de confiance compris entre 1,2 et 1,6. Ce qui confirmait les données du début d'année. L'utilisation d'un progestatif de synthèse était associée à un risque relatif de cancer mammaire de 1,8, chiffre significatif et ce, quel que soit le mode d'administration de l'estrogène. S'il s'agissait de rétroprogestérone, le risque relatif était également significatif, à 1,3. En s'intéressant au sous-groupe des femmes sous progestérone micronisée, la surprise du début d'année s'est confirmée : pas de majoration du risque mammaire. Enfin, une modification était notée par rapport à l'analyse antérieure. Chez les femmes sous estrogènes seuls, le risque relatif était passé à 1,4.
La divulgation de ces données avait été précédée, quelques jours auparavant, de la publication d'un rapport de l'Afssaps. L'agence ne modifiait en rien ses recommandations de 2003. Cette prise de position avait ému le conseil d'administration de l'Association française pour l'étude de la ménopause (Afem), qui s'étonnait de la publication d'un tel rapport alors que de données nouvelles n'étaient pas disponibles.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature