L’ADMR N’A PAS attendu le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Cohésion sociale pour exploiter le gisement du secteur d’activité constitué par le service à la personne, et son « pôle d’excellence nationale ». Depuis 1945, l’Union nationale du service à domicile est sur le coup. Après six décennies d’actions locales, au sein de ses 94 fédérations départementales, ses 77 000 salariés ont totalisé l’an dernier 75 millions d’heures d’interventions auprès de 496 000 clients-adhérents. Aide à la vie quotidienne (61,2 millions d’heures), téléassistance, portages de repas, aide ménagère aux familles, soins infirmiers ont été prodigués auprès de 296 200 personnes âgées, de 53 500 familles, de 9 300 personnes handicapées, mais aussi de 87 000 particuliers employeurs, le tout par des aides à domicile (57 000), des techniciennes de l’intervention sociale et familiale, des aides-soignantes et des infirmières. Ainsi présentée, la structure évoque une grande entreprise. Pour l’être, en effet, l’Admr n’en a pas moins gardé taille humaine, avec ses associations de terrain, le plus souvent à l’échelon cantonal, qui constituent autant de microstructures.
Le triangle d’or.
Dans l’Orne, celle de l’Aigle en fournit l’exemple parmi 3 200 autres. «J’ai commencé par être moi-même une aidée, quand j’ai eu mon troisième enfant», explique Liliane Dauvin, 57 ans, la secrétaire, qui consacre depuis une vingtaine d’années deux demi-journées par semaine à «faire du lien»: auprès des 70 ou 80 personnes aidées dans le canton, en très grande majorité des personnes âgées, mais aussi des personnes handicapées. Auprès également des vingt-cinq aides à domicile et autres techniciennes de l’intervention sociale et familiale (Tisf). A la différence de ces dernières, Mme Dauvin, élue par l’assemblée générale des adhérents, est bénévole. C’est la particularité de l’Admr de faire cohabiter trois univers, selon ce qu’elle intitule joliment son «triangle d’or» : le client-adhérent, à la fois assisté et acteur de cette assistance, le bénévole, qui confectionne sur mesure le service offert et mobilise les intervenants sociaux et financiers indispensables, créant l’animation locale, et le salarié.
Et c’est évidemment pour le salarié que la situation a connu, plan Borloo aidant, la plus nette évolution. «En quelques années, explique Karine Oblin, directrice de la fédération Admr de l’Orne, on est passé du temps des petits boulots à celui des prestations spécialisées, pour lesquelles des formations adaptées sont mises au point, dans le cadre des DIF (droits individuels à formation) et des CIR (congés individuels de formation) .»
Des formations de base au repassage ou à la garde d’enfant jusqu’aux formations médicales (connaissances de pathologies, notion de douleurs, repérage des escarres, anatomopathologie, nutrition, différents types de handicap), les 850 salariées qui opèrent dans l’une des 28 associations ornaises se voient aussi proposer de participer à des groupes de parole : à dix ou douze, à raison de quatre demi-journées par an, elles abordent diverses thématiques comme la gestion de l’agressivité de la personne aidée, l’alcoologie, le placement en institution, la notion de décès.
«Dans le cadre de la convention collective de branche que nous avons conclue en 2002, 4% de nos budgets sont dévolus à la formation, précise Annie Morel, directrice de la communication à l’union nationale Admr, et c’est une petite révolution qui concerne tout le secteur, aucun salarié ne restant à l’écart.»
Un EPI (entretien professionnel d’évaluation) est obligatoire pour tous, c’est l’occasion pour les salariés de confier à un responsable des ressources humaines leurs difficultés quotidiennes, afin de mieux cerner leur projet professionnel. Chacun choisit à moyen et à court termes les actions adaptées, soit par la validation des acquis de l’expérience (VAE), soit par des formations diplômantes. De l’employé à domicile (diplôme d’Etat de technicien de l’intervention sociale et familiale) à l’auxiliaire de vie sociale (premier niveau de la filière professionnelle de l’aide à domicile), de l’auxiliaire de puériculture (Cafap, certificat d’aptitude) à l’aide médico-psychologique ou à l’aide-soignant (Dpas, diplôme professionnel), tous les métiers du travail à domicile sont passés dans la moulinette de l’accord de branche et ils s’inscrivent dans une classification, avec une grille et son barème.
5 000 entreprises créées en 2006.
«Evidemment, le plan Borloo participe de cette grande mutation du secteur, constate Annie Morel, il crédibilise l’offre, il fait émerger de nouvelles demandes, en provenance des personnes non fragiles, il facilite la solvabilité et les procédures, grâce au Cesu (le chèque emploi-service universel) .»
Du coup, traditionnellement voué à l’économie sociale, voilà que le secteur s’ouvre au privé lucratif. En 2006, 5 000 entreprises spécialisées dans le service à domicile ont vu le jour. Certains, comme Karine Oblin, redoutent même «un effet miroir aux alouettes», tout en se félicitant de l’émulation qui s’ensuit.
A l’Admr, qui revendique à ce jour 40 % du marché et la place de numéro 1 français des réseaux de proximité, avec un enracinement très rural, on n’enregistre pas pour le moment d’effet Borloo sur le nombre des demandes. En 2002, en revanche, la création de l’APA (allocation personnalisée à l’autonomie), qui avait été substituée à la PSD (prestation spécifique dépendance), avait dopé le marché. Liliane Dauvin évoque même un triplement du volume d’activité, à l’époque, dans son association aiglonne, beaucoup de gens pouvant rester beaucoup plus longtemps à leur domicile.
Réforme après réforme, entre politique de l’emploi et politique d’action sociale, les métiers de l’emploi à domicile ont fini par émerger. Dernier indice d’un changement d’époque : les fédérations départementales de l’Admr sont engagées dans des démarches qualité, avec des certifications NF et ISO 9001. «Les procédures peuvent paraître contraignantes, observe Karine Oblin, mais tout le monde chez nous joue le jeu, signe que la professionnalisation est entrée dans les moeurs.»
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